SARABANDE À TAHITI
En la cathédrale de Strasbourg, tous les jours, à la même heure,
l’horloge astronomique fait défiler ses automates. Ce sont toujours les mêmes
personnages, saluant, virevoltant.
Depuis trente ans que je connais la Polynésie, j’y connais ses
palais aux automates. On y voit des gens qui ouvrent des portes, qui saluent,
parlent, dansent, font mille tours. L’un pousse l’autre, qui sort, se replace
derrière, pousse et se met à danser à son tour. Depuis trente ans le mouvement
n’arrête pas. Les ressorts se tendent et se détendent. Les pantins sont
toujours les mêmes et leurs pantomimes sont toujours identiques.
Le premier qui apparaît, c’est le Président. Les autres le
poussent et se poussent. Au bout du compte c’est toujours à peu près dans le
même ordre que va la sarabande. Si l’un trébuche, son frère le remplace.
C’est comme au jeu de l’oie : il y a une prison. Quelqu’un y
entre parfois, entre deux gendarmes, portant ses effets dans un sac en
plastique.
Dans les imprimeries, les rotatives se mettent alors en
mouvement. Le texte était déjà tout prêt tant l’événement était prévisible.
Quelqu’un crie le journal.
Selon le rite, chaque personnage passe par le Palais de Justice,
chacun son tour : Tribunal d’Instance ou de Grande Instance, c’est selon. Cour
d’Appel souvent. On en sort guilleret : Un carillon sonne alors, le
porte-parole annonce une amnistie.
Et ça repart sur le même air de musique : ingérance, corruption
... Président, Ministres, Conseillers, échevins ...
Un jour, pourtant, le balancier vint à se détraquer sans doute.
On a vu le Président aller jusqu’aux portes de la prison, dans
sa voiture de service ... Pour porter un collier de fleurs à l’un de ses
Conseillers qui était incarcéré. Grave disfonctionnement !
Mais le Président est toujours le Président. Le Conseiller n’est plus Conseiller, mais son frère l’est devenu.
C’est le balancier ... Ou bien ce sont les ressorts qui se sont
détraqués. Cela dure depuis trente ans, trente ans, trente ans, trente, trente
...
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