mercredi 30 septembre 2015

AU QUÉBEC - (2)





Voyage d'étude au Québec en 1975 - (2)








Je recommande les steaks houses, les grillades sont excellentes et gargantuesques, les darnes de saumon aussi. Mais … si vous voulez un bon café, Il vous faudra, comme moi, arpenter toute la ville … Si, si ! J’ai fini par trouver un bar italien dans lequel on m’a servi un bon expresso ! Mais partout ailleurs, vous aurez droit à un liquide pâle, servi avec une cafetière en pyrex que l’on maintient au chaud tout au long du jour sur une plaque électrique !






L’emblème du Québec, c’est le drapeau à fleurs de lys. Son symbole, ce pourrait être le poêle en fonte : Vous savez, le poêle rond, chauffant au bois. On ne peut plus imaginer à notre époque ce qu’à pu comporter d’héroïsme la vie des premiers Canadiens : Maisons de rondins, fourrures et poêle à bois. Le poêle, c’est la survie de la famille et le trappeur solitaire, même, se déplace avec son poêle d’une cabane à l’autre, quand il va relever ses pièges.













Nous passerons à Trois-Rivières où se louent encore des cabanes plantées sur la glace du lac. Dans la cabane, il y a un poêle, et un trou a été creusé dans la glace épaisse pour que vous puissiez y tremper vos lignes. Traditionnellement, je crois qu’il est prudent d’apporter de quoi boire : Du sec, car il fait bigrement froid ! Il ne me sera pas donné d’aller à la pèche à Trois-Rivières, mais j’aurai l’occasion d’y aller sur le lac Saint-Jean, tout près de Chicoutimi.













… Chicoutimi … Inoubliable ! D’abord parce que l’autobus qui vous y conduit traverse des régions aux noms de rêve : Saguenay, Laurentides …
Et puis parce que, si vous avez la curiosité de consulter l’annuaire téléphonique, vous vous apercevrez que la totalité des habitants, en tout et pour tout, arborent trois ou quatre patronymes … Tellement de chez nous ! On les croirait sortis d’un roman paysan : Jolibois, Charlebois, Tremblay … Pourquoi faut-il que j’aie oublié les autres ? Ils chantent en ma mémoire profonde  qui les retrouve parfois.

Autre élément de poésie : Les panneaux de signalisation routière qui signalent le paisible passage de l’orignal, ce grand élan des immensités neigeuses dont on dit qu’il gratte le sol avec ses sabots pour trouver les mousses sous la neige.













- « Oh ! Ne croyez pas qu’il y en a tant que ça ! Je pense, me dit un ami québécois, qu’on a dû planter un poteau chaque fois qu’un orignal a traversé la route ! » … Pour ma part, je n’aurai pas la chance d’en apercevoir, mais cela ne fait rien : J’aurais pu apercevoir un orignal, vous vous rendez compte !


Les Laurentides ? C’est le massif montagneux que l’on fréquente pour ses stations de sports d’hiver : Je ne les apercevrai même pas : Chutes de neige limitant l’horizon, champs de neige qui recouvrent tout, nivellent tout : Plus de vallons, plus de rivières, plus de lacs, beaucoup de forêts de sapins dont on ne devine que l’orée, tranchée par la route. Mais où donc cultive-t-on le blé ? Où donc pâturent les troupeaux ?  On peut se poser des questions lorsqu’on sait la longueur des hivers. Ce pays, pourtant, produit du blé, produit du lait … Allons, l’homme a su s’adapter partout. Les érables, dont la feuille orne le drapeau canadien et dont les immensités, rousses en automne, embellissent les affiches des compagnies touristiques … Il me faudra revenir en une autre saison !





Lorsque j’arrive à Chicoutimi, la rivière est gelée, bien sûr : Le thermomètre est descendu jusqu’à moins quarante ! Moins vingt à Québec ou à Montréal, je supportais encore allègrement, mon manteau restait ouvert la plupart du temps sur mon pull marin … Mais moins quarante ! Je comprends que des enseignants québécois aient envie d’aller passer un an en Europe pour se réchauffer. Je comprends aussi pourquoi on rencontre tant de Canadiens, l’hiver, aux parages des Antilles ! Moi, je n’existe plus : J’ai relevé le col de mon manteau, j’ai rabatu les oreilles de ma chapska … Il n’y a plus que le bout de mon nez qui dépasse, et il gèlerait vite si je n’y prenais garde : Allons, rentrons le nez aussi ! Mais il faut bien respirer ! Quant aux doigts, heureusement que je porte des gants épais !

C’est à ce moment-là qu’à proximité, les pompiers chargent dans leur voiture le corps gelé d’un homme qui s’est fait surprendre, probablement en état d’ivresse, parmi les blocs de glace accumulés dans le lit de la rivière … Celui-là est arrivé au bout de son chemin.












Au même instant, et la conjonction des deux scènes produit un effet complètement surréaliste, mes yeux distinguent un restaurant, là, devant moi. Il est installé sous une énorme bulle de verre. Il neige, il gèle, mais les serveuses portent minijupes, vaquant entre les tables et les chaises dans une atmosphère manifestement surchauffée. Le spectacle évoque une sarabande. Il me paraît que ces serveuses en bas résilles ont plus de soixante ans  … Goya, es-tu là ? Pour ma part, je n’ai qu’une hâte : avaler un café bien chaud, même un café réchauffé !



Vous avez voulu voir comment se pratique la pèche sur le lac Saint-Jean, l’hiver ? Il fait toujours moins quarante. Vous vous sentez un peu engoncé dans les multiples épaisseurs de vos vêtements. La voiture tous terrains  s’engage sur la glace qui recouvre le lac : Pas de danger … Son épaisseur est de plus de deux mètres, on vous l’a dit  ! pas de cabanes ici, pas de poêles. Des gens creusent un trou dans le hurlement d’une tarière à moteur faisant plus de bruit encore qu’une tronçonneuse. Quand elle s’arrête, le silence reprend ses droits, le grand silence sur l’étendue toute blanche.








Chaque groupe de pêcheurs a creusé une demi-douzaine de trous. Au fond de chacun, on aperçoit l’eau libre, qui ne tarde pas à se recouvrir d’un voile de givre. On jette les lignes dans le trou, sans canne, et on les fixe à de petits bouts de bois dont la détente annoncera les prises. J’ai attendu longtemps. J’ai eu très froid. J’ai tapé du pied et j’ai claqué mes mains l’une contre l’autre … Je n’ai rien pris et mes compagnons non plus, mais … Je vous jure que ce n’est pas l’histoire de la chasse au Dahut ! C’est certain, on prend ainsi du poisson, parfois beaucoup de poisson, même des brochets … Gros comme ça ! … Il ne s’agit pas d’une farce à l’adresse de ces « Maudits Français » !





Retour par la route : Nous sommes allés presque jusqu’à la frontière des Etats-Unis, à Sherbrooke. De Sherbrooke, rien à dire, ou si peu de choses ! La neige tombait, tombait, tombait encore. Nous n’avons rien vu d’autre que les tourbillons de la neige malmenée par le vent. Le mois a passé, la mission se termine. Une anecdote encore, mais elle n’est pas à mon honneur et j’en suis encore un peu confus : Invité au restaurant par  les responsables de la Commission Scolaire, dans un restaurant choisi parmi les meilleurs, J’ôte mon manteau pour m’asseoir à table. Je ne porte pas de veston sous le manteau, seulement un pull … Vous êtes tellement engoncé avec tout ce qui vous recouvre !

- « Je vous demande pardon, Monsieur, me dit le maître d’hôtel, mais le veston est exigé dans la salle. »

Comment faire ? Mes hôtes se regardent, je les regarde … Essais pour parlementer … Le maître d’hôtel est inflexible. Je suis prêt à ressortir, le rouge m’étant monté aux joues, mais le maître d’hôtel m’apporte un veston : Le sien sans doute. Il me prie de l’enfiler. Mais il est  beaucoup moins gros que moi. Je prendrai mon repas en serrant les omoplates dans mon veston étriqué ! … Amis de Sherbrooke, en riez vous encore ?




Mais vous me demanderez peut-être ce que j’ai pensé du système scolaire québécois ?

    C’est vrai, j’ai visité beaucoup d’établissements scolaires. La mode était alors aux écoles à « aires ouvertes », et l’on réfléchissait à l’organisation du soutien pour les enfants en difficulté. On avait aussi équipé largement les établissements en récepteurs de télévision. D’autres recherches portaient sur les systèmes d’évaluation. 
Je me souviens que j’ai regagné mon pays en me disant que le système scolaire français, après tout, ne devait pas être si mauvais que cela ! Soit dit en toute amitié et sans esprit de critique : Quand on voyage, on s’aperçoit que tout le monde, dans tous les pays, cherche, cherche … Mais les pesanteurs ! Mais les utopies !



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