Chanson …
- « Si le ciel est bleu,
- mon
garçon
- Si les fleurs parfument le vent
Siffle un
air joyeux,
mon garçon
Prends ton sac
Et va t’en »
Je chantais, sur les sentiers de Galice …
Alors on prend Le Chemin ... On le prend même à deux parfois ... Souvent ? ... On marche à deux sur les sentiers, on s'arrête aux mêmes gîtes ... On marche rarement du même pas et l'un marche devant l'autre, par nécessité, par habitude, par convention ... Tout simplement, on marche à quelques centaines de mètres l'un derrière l'autre parce qu'on n'a pas en tête, au même moment, les mêmes chansons, les mêmes images, les mêmes pensées, les mêmes prières ...
Je chantais, sur le chemin d'Ostabat, ou bien sur l'ancienne voie ferrée
qui conduit de Saint-Palais à Arbouet ... Je chantais un refrain parfaitement
stupide qui revenait en moi du fond de mon enfance ... L'aurais-tu écouté sans
te moquer ? ... Et toi, si tu avais eu envie de réciter les psaumes ou les
litanies, en aurais-je fait miens les rythmes et les intonations ? ...
Souvent, c'est à l'étape que l'on se rejoint, au moment où l'on pose le
sac et où l'on s'étire ... Mais l'on ne s'est pas perdu de vue ...
On savait que l'autre était là ... On savait que l'on se retrouverait
... N'est-ce pas ainsi que l'on s'achemine?
Mais que dire de celui qui marche seul ? ... Sans doute avait-il quelque
chose à retrouver, ou encore quelque chose à fuir ... Il marche, celui qui
veut, tout simplement, redonner à son corps l'importance qu'il avait perdue au
fil des jours, de chaise en fauteuil, de banquette en banc, strapontin, tabouret
... Il marche, celui qui veut sentir ses poumons se gonfler, s'emplir d'air
vif, d'odeurs d'herbes, de fleurs, de ruisseaux, de troupeaux ... Il marche,
celui qui veut entendre siffler le gypaëte barbu, celui qui veut entendre
tomber la noisette, celui qui veut entendre sonner les clarines, aboyer les
chiens, résonner le bronze du haut des clochers, chantonner la Joyeuse entre
ses deux rives ... Ah ! La Joyeuse ! ... Est il un plus beau nom pour une
rivière ? ... Mais la Bidouze m'enchante aussi ... La Bidouze au gué de Kinkil
! ... Je suis tout prêt à m'émerveiller encore de l'autre côté des Pyrénées ...
Et pas seulement aux noms de Roncevaux ou de Pampelune ... "Pampelune, à
sept kilomètres derrière la lune !" ...
Le dos est douloureux peut-être, les pieds font mal, les muscles sont
raides aux mollets ou dans les cuisses ... Le corps fonctionne et, ma foi, il
fonctionne bien ... Raideurs, certes, douleurs ... Mais mon corps fonctionne:
C'est la meilleure nouvelle depuis longtemps... Je n'entends plus parler des
catastrophes que diffusent quelque part, sans arrêt, bien entendu, les postes
de télévision, les postes de radio, les téléphones sans fil ou avec fil ... Je
n'ai pas rencontré de téléphones portables sur Le Chemin ... Pas encore.
_ " Prends-en un, me dit-on souvent ... C'est une sécurité ...
Imagine ... Marchant seul quelque part ... Tu te fais une entorse, tu fais une
chute, tu tombes malade ..."
-Je résiste encore ... Avec un téléphone portable, aurai-je toujours
l'indépendance nécessaire pour chanter à pleine voix "Les Filles de La
Rochelle" lorsque j'en ai envie, ou bien pour réciter "La Ballade des
Pendus" ? ... J'ai récité la "Ballade des Pendus" sur la route
d'Orsanco ... Je veux pouvoir me la réciter encore sur les sentiers de Galice
...
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