vendredi 22 juillet 2016

SUR VOTRE GAUCHE VOUS POUVEZ APERCEVOIR ...






- «  Sur votre gauche, vous pouvez apercevoir les glaces du Labrador …





















_" Le Commandant Dulac et son équipage sont heureux de vous accueillir à bord de ce vol qui nous permettra d'atteindre Santiago du Chili en 10 heures. Nous vous prions de ne pas fumer pendant le décollage et d'attacher vos ceintures."

Presque banal, maintenant, le voyage sur un avion de ligne. On part pour Bangkok, pour San Francisco, Pékin ou Abidjan, Zanzibar ou Tokyo. Julien Viaud, dit Pierre Loti ne fait plus rêver, avec ses amours de Constantinople, ses histoires de geishas, ses expéditions vers les temples d'Angkor. On voyage en Boeing 747, avec son mari, ses enfants, son maillot de bain dans le sac de sport que l'on a rangé dans un casier ad hoc, à porte basculante, dominant les sièges et les hublots. L'air que l'on respire est filtré, pressurisé, aseptisé. Les moquettes du couloir et les moulures en plastique beige velouté qui ornent les parois sont apaisantes et douces. L'hôtesse a la voix flûtée en toute occasion. Les moteurs chuintent avec régularité, un peu comme si l'on se trouvait assis dans le T.G.V. On finit par ne plus les entendre. On boit : On boit de la bière, du vin, du whisky, sur des glaçons. On lit, ou plutôt on parcourt les pages des revues, garnies de photographies. On dort, ou bien, les écrans déroulés, on regarde les images d'un film au scénario plus ou moins sirupeux. Des buses réglables vous projettent un courant d'air frais. Vous les orientez comme il vous plaît. Les impatiences des petits sont calmées par des cahiers de coloriage.

_" Sur votre gauche, vous pouvez apercevoir les glaces du Labrador."

On incline le buste un peu, détachant pour cela, au besoin la ceinture. On regarde par la vitre du hublot. Elle est là, la banquise, immense et toute petite à la fois, rayée, bouleversée par endroits, étincelante ... On a des souvenirs de Jules Verne, on a entendu parler des esquimaux et d'Amundsen, du Commandant Charcot peut-être, plus sûrement de Paul Émile Victor. C'est fascinant, la banquise!

C'est merveilleux, un voyage en avion. Allant vers Brazzaville, j'ai vu les dunes du Sahara, courant les unes après les autres, toutes semblables les unes aux autres et pourtant si différentes ... Le visage de Charles de Foucault, barbiche au menton, coeur sacré sur la soutane blanche ... Les méharées de Bournazel, le miel, la myrrhe et l'encens, la caravane des Rois Mages, l'or de la Reine de Saba marchant à la rencontre de Salomon ... Le Sahara, c'est une merveille ! ... Mais on l'a trop vu à la télévision, à l'occasion des rallyes automobiles se dirigeant vers Dakar.













Entre Sydney et Perth, j'ai survolé le désert d'Australie : Le Sahara est jaunâtre, le désert d'Australie est rouge, réellement rouge, et parfois rouge sang. Il semble sans bornes, océan cramoisi entre deux océans monotones à force de bleus.

Était-ce aux alentours de Java ? ... Un volcan surgissait de la mer, un cône parfait, et dont le sommet fumait. Inhabitable ... Et d'abord, comment pourrait-on en escalader les pentes ? Superbe !

_" Sur la droite de l'appareil, vous pouvez apercevoir les premiers contreforts de la chaîne de l'Himalaya. À gauche, sous l'appareil, les bouches du Gange ..."

La chaîne de l'Himalaya ! Sommets étincelants dans la lumière ... Le sherpa Tensing et Sir Edmund Hilary, le "Premier 8000" ... Les yacks et le Yéti ... Le " Toit du Monde " ! ... Sous le ventre du Boeing, le delta du Gange s'étale comme une feuille dont le limbe aurait disparu : Il ne resterait que les nervures. Dans le tiroir de mon bureau, très loin en Europe, je garde une feuille de banian. Elle m'a été donnée, il y a très longtemps, fixée sur une carte comme on en offre pour présenter ses voeux. On n'en a conservé que le réseau de nervures. Le delta du Gange est un bijou, un médaillon de filigranes finement ciselés.

Les falaises de Victoria des Seychelles, de granit micacé cranté, les atolls des Tuamotu, semblables à des anneaux d'oreilles, les archipels sous le vent, vertes pelouses prises dans des lacis de courants d'opale, dans des corbeilles de corail versicolores. Le ruban boueux du Mékong. Les sommets, les plateaux et les vallées de la Cordillère des Andes, entre l'Argentine et le Chili, vastes étendues de neiges immaculées ... À l'approche de Puerto Montt, les couches de nuages éblouissants et , émergeant des nuages qu'ils percent, les sommets des volcans, le volcan Osorno et ses frères, fumerolles ... Ah! L'arrivée, de nuit, au-dessus de la ville de New-York : Les avenues éclairées, comme des quais et des jetées dans un océan de ténèbres, les guirlandes d'un paquebot qui va, s'éloignant, les fleuves de rubis et de diamants allumés par les phares des véhicules sur les routes ! ... Arrivée nocturne à Dubaï : Étendues noire des déserts, hautes flammes des torchères, sur les derricks des exploitations pétrolières ... Le tapis d'Ispahan !

_"  Nous approchons de notre destination. L'appareil va bientôt commencer à entamer sa descente. Le Commandant Dulac et son équipage espèrent que vous avez fait un agréable voyage. Ils vous prient d'éteindre votre cigarette, de relever le dossier de votre fauteuil et d'attacher votre ceinture. Ils espèrent vous revoir bientôt sur les lignes desservies par notre compagnie ..."

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