jeudi 14 juillet 2016

QUANT AU NAVIRE ...

Quant au navire ...










Chanson






Il était une frégate

Larguez les ris

Il était une frégate

Larguez les ris

Qui n’avait jamais vogué

Larguez les ris dans la grand’voile

Larguez les ris dans les huniers …















Quant au navire,
il est irrémédiablement perdu …



_" Il y a une demi-heure que je dors ... Un effroyable choc, soudain, fait bondir tous les dormeurs de ce malheureux bateau ... Le Saint-Abbs vient de heurter un récif de corail ! ... Il barbotte au milieu des écueils pleins d'écume ... Le veilleur avait bien, une minute plus tôt, aperçu de l'écume qui moussait à l'avant ... Mais il était bien trop tard pour éviter la catastrophe !

_" Je cours vers l'arrière. Là-bas, la scène est consternante, même pour les coeurs les plus fermes ... Des hommes courent sans raison, çà et là. Des espars se brisent à hauteur de nos oreilles. Des lames colossales emportent tout sur leur passage ... C'est une confusion invraisemblable ! La nuit est d'un noir profond, qu'assombrit encore une pluie diluvienne ... Autour du bateau, on ne voit plus rien ...
Que l'écume blanche des rouleaux qui déferlent, se fracassent autour de nous avec d'impitoyables rugissements. Le navire roule terriblement. Nous nous cramponnons aux cordages pour ne pas être balayés par-dessus bord.














               _" Petit à petit, le bateau vire sur le récif. Sa proue se dirige face aux vagues. Tout à coup, au moment où la coque est encore en travers, le grand mât, le mât de misaine, le mât d'artimon, toute la mâture se brise et s'abat d'un seul coup, avec un grand bruit. Le pont étant dénudé, le bateau présentant enfin son étrave à la vague, les mouvements deviennent alors moins éprouvants.

_"Il est minuit maintenant. Depuis deux heures, tous les passagers sont à l'arrière ... en pyjama ! Le navire est giflé par les vagues ... Chacune nous submerge, chacune brise quelque chose en passant. Trempés, gelés, nous nous risquons à quitter l'arrière et nous nous réfugions dans le salon. La nuit se passe en discussions, en supputations quant à notre probable position géographique ... Il semble bien qu'à ce moment-là, le capitaine et ses officiers l'ignorent complètement ...
En fait, ce n'est que beaucoup plus tard, que nous saurons sur quel récif nous avons fait naufrage ...
Quant au navire, il est irrémédiablement perdu. Il a talonné durement. Ses ponts sont défoncés. Les cabines sont inondées et la quantité d'eau qu'il y a dans les cales montre qu'à l'évidence le fond du navire est éventré. La terre est donc notre seul espoir. Le matin l'éclaire et nous la révèle proche. Certains désespèrent, d'autres, plus optimistes, conservent l'espoir...












                    _"La conduite de l'équipage est parfaite : Tout le monde reste discipliné ... Mais la nature impose ses lois : Je m'endors, rêvant sans doute d'un sort meilleur. Je dors jusqu'au matin.

_" Terre ! " crie quelqu'un ... Juste au moment où nous nous réveillons ... Ce cri est accueilli comme une véritable bénédiction : L'espoir revient avec le petit matin!

_" Là ... Nous en sommes sûrs ... Presque sous le vent ... On distingue, sans erreur possible ... L'ombre d'une petite île basse.

Dans la lumière encore pâle, elle semble couverte de roseaux ou de bambous que surmonteraient leurs fleurs, comme de grands panaches...

Lorsque le soleil disperse les brumes matinales, on apporte les longues-vues ... Il apparaît clairement qu'il ne s'agit ni de roseaux ni de bambous, mais que d'innombrables vols d'oiseaux de mer planent au-dessus de l'île, au ras du sol ... La lumière devient plus vive. Elle nous découvre une seconde île, plus grande et plus haute, sous le vent ... Elle est un peu plus éloignée ...

_" Nous avons fait naufrage entre ces deux îles, sur le récif qui court sans doute de l'une à l'autre. Nous saurons plus tard que la plus petite est l'île Bird. La plus grande est l'île Juan de Nova. Nous nous trouvons dans le groupe des îles Farquhar, situé à deux cents milles au nord-est de Madagascar. Les rouleaux se fracassent sur le récif et le submergent complètement à marée haute. De toute évidence, aucun bateau ne saurait demeurer intact au milieu de semblables déferlantes.













          Les vagues énormes, soulevées par les vents du sud-est et poussées jusque-là en une course ininterrompue à travers l'Océan Indien, sur plus d'un millier de milles, s'écrasent sur les écueils qui brisent leur course triomphante. Celui qui n'a pas assisté à pareil spectacle peut difficilement imaginer leur déchaînement.



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