LES
VOILEUX
Un certain Breton, (ce que nous en
savons n’est que fort peu de choses
...)
Un Breton, donc, servait sous l’habit
du gendarme dans quelque bourgade
de province.
Il met fin à sa carrière. Il
avait
souvenir de vanille, ayant servi
naguère dans une île lointaine.
Une coque de voilier dormait,
inachevée, sur le quai d’un port.
Il s’en trouve parfois ... Il
l’achète.
Son épouse et lui en achèvent le
vraigrage et le gréement. Les voici
à
Tahiti ! Nous ignorons les
péripéties
du voyage. Ils n’avaient encore
jamais
navigué je crois. toujours est-il que
le bateau est intact. Ils sont là.
Passent quelques années ... Quatre
?
Cinq ? On a fait quelques
croisières
vers les archipels éloignés. Mais
tout
passe et tout lasse. Aujourd’hui,
notre
Breton lave sa voiture sur le quai.
-” Elle est là ? ”
-” Sans doute. Je ne sais pas.”
La Bretonne est dans la cabine,
s’affairant au ménage. Le tambour
d’une machine à laver calée contre
la
barre à roue est en train de
tourner.
Passe le ferry qui vient de Moorea.
Des algues s’agitent, fixées sur la
ligne
de flottaison du voilier. C’est un
beau et grand voilier : deux mâts,
trois cabines.
-”Pourquoi ne le rentabilisez-vous
pas ? Vos voisins de mouillage
offrent des charters à la journée.”
-”Des étrangers chez moi ? Jamais
!”
Depuis des mois et des mois, ce
bateau n’a pas bougé. Il est
affourché
devant le bureau de poste de la
ville.
C’est pratique, pour le courrier !
Nous sommes au bord de la voie à
grande vitesse, parcourue par un
flot
de voitures !
Certes, c’est un grand voilier ...
Mais
au total, cela fait assez peu de
surface de plancher, pour un Breton
et une Bretonne qui ne peuvent plus
se supporter. Or le couple en est
là :
Paroles acerbes et rares.
Quelle suite imaginer ?
Un autre, un
jour, cloua la porte dans
le milieu du
couloir de sa maison.
Mais sur un
bateau ?
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