jeudi 14 février 2019

L'ALCHIMISTE ...






L'ALCHIMISTE










               C'est fou, ce que l'on peut mettre dans mon

 verre, vous savez, un beau verre de l'INAO ( Institut

 National des Appellations d'Origine ... ) ! ... C'est un

verre à pied, un verre élancé, tulipé. C'est un verre qui se

 gonfle et puis dont les bords se resserrent, pour

conserver au vin tout son arôme et tout son bouquet ...

Ah ! mais ! ... C'est que ce n'est pas la même chose,

 l'arôme et le bouquet ! Le premier est dû au cépage et le

 second se développe au cours du vieillissement. Si vous

ne parvenez pas à distinguer toute la subtilité des

différences, plongez le nez dans votre verre et humez ... 




 





                Mais avant de humer ainsi, et si vous ne voulez

 point déchoir dans l'estime des connaisseurs, vous

devez saisir le verre par le pied, le lever à hauteur de vos

 yeux, à contre-jour, apprécier la robe du vin : Rouge

sombre, rouge-rubis, grenat, grenat brillant, grenat-

pourpre, grenat-violet, grenat-sombre, noir, grenat-noir,

 robe flamboyante à reflets violets ... C'est fou ce que les

vins de Bordeaux peuvent apporter comme nuances aux

 galbes de mon verre : En se vidant, la bouteille le

remplit de fleurs ou de gemmes en fusion.



 





                Après avoir admiré, vous pouvez sans crainte

prendre l'air d'un connaisseur. Mais à ce moment précis,

 les choses se compliquent : L'instant est venu

d'apprécier le nez ... C'est le vin, au bout du compte, qui

a un nez, ce n'est pas vous ! Il vous faut saisir le verre

par le pied, entre deux doigts. On pourra vous expliquer

que, si le verre a un pied, c'est pour vous éviter de

transmettre au vin, par l'intermédiaire des flancs du

verre, la température de votre paume. Car il vous faut

 déguster chaque vin à une température spécifiquement

adaptée. Il y a des thermomètres pour cela; on en vend

dans les caves bien fréquentées. Bon, tenant votre verre

 entre deux doigts, par le pied, vous devez le faire

tourner, pour imprimer à la liqueur une rotation qui va

créer en son coeur un tourbillon, un Maëlstrom en

réduction. Cela s'appelle aérer le vin.C'est indispensable

pour lui permettre de développer ses arômes et son

bouquet. Attention, regardez bien comment s'y prennent

 vos voisins avant de faire tourner votre propre verre : Le

 petit Maëlstrom se creuse aisément et il arrive qu'un

tsunami en réduction se crée, vous arrosant les pieds ou

le gilet ... Ou bien, tout à la fois, les pieds et le gilet de

votre voisin ! Vous avez réussi ? _ Parfait ! Conservez un

 air parfaitement dégagé et humez ...



                   





                    Nez de fruits rouges ou de fruits noirs, de

 cerises, de cerises confites, de griotttes, de cassis, de

 fraises ou de framboises, de myrtilles, de gelée de

mûres, de pruneaux, nez de prunes rouges, de fruits

 compotés, nez de rose rouge, d'épices douces, de pain

d'épices, nez de grillé, nez de cuir ( oui, de cuir, et Jean

 de Lavarende n'y est pour rien là-dedans; n'en faisons

pas un oenologue averti ! ), nez boisé, nez cacao, nez

café, nez de vanille, nez de poivre, nez de poivron, nez de

violette, de pivoines, de thym grillé avec des notes de

truffe et de muscade, beau nez réglissé, nez assez frais,

explosif aux arômes délicats, nez de fumée de bois ... Et

si tout cela vous laisse pantois, ne perdez pas votre air

assurément compétent, dites : " Ce vin a un caractère

très expressif ! ", cela n'engage à rien. 














                     Au goût ... Mais encore faut-il savoir s'emplir

 la bouche, faire passer le vin sur et sous la langue, lui

faire baigner la luette et la gorge, le mâcher puis,

éventuellement, le cracher dans le bac à sable ...

Regardez comment font les autres ! Au goût, il faut

apprécier d'abord la constitution générale du vin : La

 finesse, le corps ... Le vin est corsé, charnu, charpenté,

 plein, équilibré, élégant, racé ... Ensuite, on doit juger la

 douceur : Le vin est souple, moëlleux, rond, coulant,

velouté, soyeux, tendre, gras ... Enfin il reste à évaluer la

 "vinosité" : Le vin est nerveux, capiteux, chaud,

généreux, puissant ... Autrefois j'entendais dire que le

 vin avait " de la cuisse "... Ah! Ces vins qui avaient " de

la cuisse" ! Mais aujourd'hui, je crois que les vins n'ont

 plus de " cuisse ", et je trouve que c'est bien dommage !

... Il y a bien encore un vin qui se dénomme " Cuisse de

Nymphe "... Mais ce n'est pas un grand vin paraît-il, et

puis je crois que c'est un rosé ! 




 





                          De nos jours, on verse dans mon verre

INAO tant de couleurs, tant de gemmes, tant de fruits,

tant dépices ... J'y trouve tant de gras, tant de tannins,

l'attaque est si friande, la bouche est si serrée, si racée, la

 finale si longue est si fruitée ! ... Il n'empêche, je regrette

 la " cuisse " !


 





                       ... Tout cela à propos des grands Bordeaux

... Mais une piquette bien fraîche, bue à la régalade sous

 le jet d'une gourde en peau de chèvre ! Cela aussi vous a

un goût de petit bonheur !




 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire