vendredi 8 février 2019

LE FLAMBOYANT






LE FLAMBOYANT







                   Auprès d'un océan couleur de pastel sur lequel dansent des filigranes d'argent, je sais un grand arbre dont les larges frondaisons font flaque violette sur un sol rouge inondé de lumière, tache d'ombre sur le clocher d'une église. Je sais bien des avenues bordées d'arbres asphyxiés par les miasmes des villes. Ils sont souvent chétifs et chauves . Celui dont je veux parler étend un vaste manteau de velours d'un beau vert sombre. On pourrait parler de manteau en effet, si celui-ci était de mise dans ces îles au climat béni. Pour la forme, j'évoquerais plutôt le parasol, la toile d'une tente ombreuse, une longue pièce de sari, un tapis déroulé pour l'accueil de quelque princesse qui devrait venir là pour son doux repos. 








                     Examinées de plus près, les feuilles sont composées de pennes à partir desquelles s'élargissent de souples nervures. Les limbes sont légers comme des plumes mais forment ensemble de larges palmes. Cet arbre rassurant est source de fraîcheur, tivoli propice au repos. Il accueille sous ses branches les joueurs de boules et, assis sur les chaises qu'ils ont traînées jusque là, les joueurs de dominos faisant claquer leurs pièces sur une table légère.











                      Aux alentours de novembre, à côté de l'église peinte en rose, la frondaison change de nature et se couvre de merveilles. Les Britanniques l'appellent " l'arbre de Noël". Avant la Nativité, en effet, il entre dans toute sa splendeur. Pour ma part je préfère l'appeler, comme font les Français "le Flamboyant ". Il se couvre de fleurs ... En fait il devient toile de Damas, soierie de Chine, tapis d'Ispahan, incroyable broderie de rouge en toutes ses nuances : Écarlate, pourpre, rubis, sang de pigeon, cramoisi, incarnat, carmin, magenta, vermillon, garance, ponceau ... Devant la merveille on ne sait plus comment dire. On pense braises, on pense flammes, rivières de laves incandescentes, on pense coquelicots, on pense tulipes, cristaux de Bohème, lampions, vitraux de cathédrales, muletas de matadors, capes cardinalices, manteaux de rois, ailes d'oiseaux du Paradis, nageoires de carpes chinoises, dais, draps, tentures ... Mais on pense aussi couchers de soleil sur les mers du sud. 











                   Et c'est un peu tout cela tout à la fois, avec un très léger plumetis de blanc et une idée d'orangé. L'arbre n'a pas son égal. Seuls les tulipiers, aux flancs des collines rivalisent, mais, eux, ils sont torches avant tout. La floraison va durer pendant plusieurs semaines, quelques mois. Les feuilles, ensuite, redeviendront visibles, d'un beau vert sombre. L'ombre, au pied du tronc prendra la couleur du sang lorsque les pétales seront tous tombés. Plus tard, des gousses pendront aux rameaux. De larges cosses de fèves bruniront et, jouant les maracas, cliquetteront dans le vent ...











                   Dans nos pays tempérés je connais des villes ornées de mimosas, de camélias, de magnolias. Je sais où trouver quelques jacarandas. Je n'ai jamais rencontré de flamboyants. Ce sont richesses de pays créoles, de pays où l'on s'enveloppe dans un sari, un poncho, un pagne ou bien dans un paréo. Ce sont richesses de pays du soleil, tissées par des peuples joyeux. 









                   Je cherchais l'autre jour, près de l'église peinte en rose, le parasol splendide qui, naguère, s'embrasait pour les fêtes de la Nativité ... Aurait-il été couché par quelque tempête ?




 

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