SEYCHELLES - LA QUESTION
LINGUISTIQUE
_ ( Oh ! Ne raillez pas la langue créole ... Combien
les latins ont-ils dû
railler le
Français ! )
Il peut paraître étonnant que la langue française
perdure aux îles
Seychelles.
Certes, elle n'est pas parlée dans les rues. Certes, la librairie de
Victoria propose peu de livres qui ne soient écrits
en Anglais. Dans les rues
de Victoria,
on parle Créole. Quand on lit, on lit en Anglais. La radio et la
télévision, cependant,
présentent certains programmes en Français. Le
journal unique, ( quotidien et distribué
gratuitement ), comprend des
articles rédigés dans les trois langues.
Certains spéculent et causent, mesurant en
permanence l'évolution
prétendue de la place réservée à chacune des trois
langues : Jalousement, à
la ligne près
... à la minute près...
Le Centre Culturel américain propose des activités
en Anglais, le "British
Council"
également. Le Centre Culturel Français parvient encore, d'une
façon ou
d'une autre, à trouver des amateurs pour sa bibliothèque et pour
les spectacles qu'il organise : Il y met du sien et
l'on raconte que, pour cela,
il fait
distribuer des billets d'entrée gratuits... Par l'intermédiaire du "Parti
Seychellois"... Il offrirait même les
places d'autobus gratuitement ?
Depuis mille neuf cent quatre vingt un, dans les
écoles, l'enseignement
débute en langue créole : Les enfants apprennent à
lire dans leur langue
maternelle,
(Ils y gagnent certainement en aisance ... ). Très tôt, on
enseigne l'Anglais puis, dès la cinquième année
d'école primaire, la langue
anglaise
devient le vecteur de toutes les disciplines académiques : L'accés
aux
technologies nécessite en effet l'utilisation d'une langue à large
audience, ouvrant la possibilité de consulter des
documents en nombre
suffisant.
L'enseignement du Français est introduit en
quatrième année, mais il
n'obtiendra jamais le statut de langue
d'enseignement.
Après quelques année de fonctionnement, on s'aperçut
qu'en fait, l'Anglais
souffrait de
son propre statut : Lorsqu'il prend en charge les autres
matières, et
particulièrement celles qui relèvent des domaines
scientifiques, il n'a pas eu le temps de mettre en
place le vocabulaire et la
structuration
indispensables : Les concepts de base ont été installés en
langue créole
... L'Anglais en souffre, la progression des acquisitions
aussi.
Le Français, lui, souffre de l'absence complète de
statut : Il ne sert à rien :
On apprend à le parler, mais on ne le parle pas. On
le comprend, presque
sans même
l'avoir appris, tant le Créole lui est proche. On apprend à le
lire, mais on
le lit si peu ! Quant à l'écrire !
De plus, à cause même de sa proximité avec le
Créole, il est difficile à
apprendre, étant victime de toutes les
contaminations et interférences
possibles ...
Imaginez un enfant qui passe d'une langue créole à graphie
phonétique et
syntaxe simplifiée à une langue française dont chacun
connaît les pièges ... syntaxiques et
orthographiques ! Le Français , en fait,
est enseigné parce qu'il est la
"langue-mère", d'où est sorti le Créole.
Nous fûmes longs , en France, avant d'évacuer
l'enseignement du latin ( ...
Pour autant
que ce soit ce que l'on ait fait de mieux ...) : Dans un
processus psychanalytique, il est bien difficile de
"tuer la mère" )... "Tuer le
père"
était plus facile : C'était le colonisateur ... Et puis, disent les
Seychellois :
_" Nous avons conservé le Français pendant les cent
cinquante
années de la colonisation britannique alors que notre pays n'a
été français que pendant quarante ans. Pourquoi ne
le conserverions nous
plus maintenant
? "
_ En fait, les administrateurs britanniques ont fait
peu pour imposer leur
langue : La
maîtrise des voies maritimes vers leur empire indien leur
importait plus qu'une anglicisation et plus qu'un
peuplement. Les
Seychelles étaient catholiques ... Le Français
était, et reste encore la langue
liturgique
principale, ( tout comme l'était en France le Latin, au temps de
mon
enfance...) _ La langue française a perduré grâce à Dieu !
Mais l'état de paix qui pouvait sembler régir
l'utilisation des langues a
disparu ... Point tant du fait des Seychellois que
de celui des Français et des
Britanniques
...
Tirant à leur façon les conclusions de faits
observés ailleurs, dans leurs
territoires et départements d'outre-mer, les
Français se sont aperçus qu'il
pouvait être politiquement utile de développer
autour de la Réunion des
voisinages
amicaux ... Une communauté de langues pouvait y être
favorable...
Lorsqu'on l'étudie, le Créole des Seychelles est
plus proche du Français que
celui des
Antilles ... Il n'a pas semblé absurde d'espérer qu'en prenant
appui sur le Créole, on pourrait donner un nouveau
développement au
Français.
Certains semblent avoir pronostiqué l'accroissement de l'aire
francophone
aux Seychelles, au détriment de l'aire anglophone.
Le Créole, "langue-fille" pouvait-il
engendrer sa "langue-mère" ? Le calcul
n'est pas
absurde : On voit très bien les difficultés de l'Anglais à l'école.
Les
Britanniques et les Seychellois l'ont senti : On a augmenté le nombre
des bourses d'études dans les universités
anglophones et on a décidé, de
plus, que les futurs professeurs passeraient deux
années à l'université du
Sussex... Ne
parle-t-on pas, même, de former là-bas les futurs professeurs
... de
Français !
L'Ambassade, la Mission Culturelle, et le Ministère
des Affaires Etrangères
- français -
s'activent ... Et font souvent des impairs ! Les étudiants
Seychellois, boursiers de l'Etat français, sont
envoyés à grands frais dans
les universités de la Réunion, ou dans celles de
Bordeaux, Paris, Aix - en
Provence, Besançon, Nice, ou ... « Trifouillis-les
Oies » ! Ils ne sont ni
encadrés, ni préparés à ce qu'ils devront découvrir.
On a vu, même, une
étudiante partir ... Pour Clermont- Ferrand, je
crois, afin d'y poursuivre des
études de
Français : Elle est revenue quelques années plus tard, ayant
bénéficié d'une réorientation ... Nantie d'une maîtrise
... d' Anglais !
Pour l'heure présente, on réfléchit. Les Français
ont peut-être fini par
s'apercevoir que les études conduisant au Diplôme
Universitaire d'Etudes
Générales, ( D.E.U.G. ) n'étaient pas adaptées aux
Seychellois . Ils vont
sans doute
proposer une formation spécifique ( Pour trois ou quatre
étudiants par
an, à l'Université de la Réunion. )
Les Seychellois, eux, méditent : Ils ont été
échaudés par les échecs de
plusieurs promotions aux épreuves du D.E.U.G. ... Et
puis ils acceptent
difficilement
l'idée d'envoyer leurs étudiants à la Réunion alors que
l'Angleterre leur propose des études en Europe ! D'où
l'idée d'envoyer tout
le monde dans
le Sussex ... Si la France n'était pas le principal bailleur de
fonds des Seychelles !
... Cette année, en attendant, aucun étudiant
seychellois n'est parti en
formation
pour devenir professeur de Français. Le gouvernement
seychellois
recrute donc, de bric et de broc, pour enseigner le Français
dans les
écoles, des Guinéens, des Mauriciens, des Algériens ... Et des
Malgaches
qui, dès leur arrivée, font valoir leur double-nationalité pour
bénéficier des allocations dispensées au bénéfice de
leur famille ... Par la
France
!
Cependant, Monsieur l'Ambassadeur de France a bon
espoir : Il a fait un
rêve ! ... Sur la montagne, la France finance
l'installation d'une antenne
parabolique
qui permettra de capter "Antenne 2" en direct et vingt quatre
heures sur vingt quatre : Victoire de la langue
française en perspective ! ...
Peut-être, peut-être ... Suite au prochain numéro
!
La guerre des langues.... Moins meurtrière que les autres guerres, heureusement.
RépondreSupprimerMais l'anglais part gagnant, pour le moment. Il est devenu, en l'espace de quelques décennies le langage universel (en attendant peut être son remplacement, rien n'est éternel . La pureté de la langue anglaise doit en souffrir, d'ailleurs : canadiens, australiens, néo-zélandais ont leurs propres mots, expressions, accents, sans parler de l'anglais pratiqué par les indiens et les africains des anciennes colonies britanniques. Ils ont leur créole, eux aussi
Heureux dimanche, Michel !