dimanche 25 janvier 2015

LA MARIE-JEANNE À LA DÉRIVE ...


La Marie-Jeanne à la dérive

             dans l'océan Indien



                    DERNIER CHAPITRE




  Rappelons-nous que la Marie- Jeanne n'avait ni mât ni voiles et que son moteur était en panne ... Depuis deux mois et demie !










Antoine et Selby sont à bord du "Montallegro" ... Antoine et Selby sont sauvés ... L'ordre est donné d'abandonner la Marie-Jeanne ... On se trouve à ce moment au sud de l'équateur ... Par 6°45 de longitude et 45°05 de latitude est. Le navire pétrolier remet en route. Antoine et Selby sont sauvés sans doute ... Mais ils sont si amaigris, ces deux adolescents que le hasard vient de confier à l'équipage du "Montallegro" ! ... On dirait de véritables squelettes ! ... Est-il possible d'être exténué à ce point ? ... Antoine, qui pesait cent cinquante neuf livres en partant des Seychelles n'en pèse plus que ... soixante six !

On prodigue aux deux rescapés tous les soins possibles ... Le Capitaine, Carlo Girola, câble la nouvelle aux Seychelles :
_" La Marie-Jeanne est retrouvée, avec deux survivants à son bord, Selby Corgat et Antoine Vidot ..." 
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, la nouvelle fait, à Mahé, le tour de l'île. Elle fait sensation ! _ Qui eut cru que l'on pouvait survivre en mer pendant deux mois et demi sans vivres ? ... On attend la fin de l'odyssée. 


_ LIII _



Mais revenons à bord du " Montallegro", revenons auprès des rescapés et de ceux qui en prennent soin ... Le Capitaine Girola câble à un médecin-spécialiste de Rome ... Il obtient des indications sur la manière de secourir les deux jeunes-gens : "Au début, ne leur donner qu'un peu de soupe ... Leur faire des injections de caféine ... Les laisser dormir". 

Antoine et Selby dorment en effet ... Ils dorment presque tout le temps ... Pourtant, dans un intervalle de réveil, Antoine se souvient qu'ils ont laissé sur la Marie-Jeanne le corps de Monsieur Corgat ... Il en parle avec Selby ... 

_"Trop tard "! leur répond le capitaine Girola: On ne peut plus revenir en arrière ... Le pétrolier se dirige vers Koweït, au fond du Golfe Persique. 

Et voila pourquoi le capitaine Archibald, du "Harold Sleigh", venant à croiser la "Marie-Jeanne" à son tour découvre un cadavre, des vivres, des vêtements, treize livres sterling en billets des Seychelles ... Il fait jeter le corps à la mer et prend la "Marie-Jeanne" en remorque vers Bahreïn ... Lorsqu'il câble à Londres pour faire part de sa découverte, on est bien près d'imaginer un crime, un drame sanglant ... Allez donc savoir !... Elle en a gardé secrets, des crimes et des drames, la mer !




_ LIV _




La Marie-Jeanne, après soixante quinze jours d'errance sur l'océan, en remorque derrière le pétrolier "Harold Sleigh", vogue vers Bahreïn ... Antoine Vidot et Selby Corgat sont sur le "Montallegro", en route vers Koweït ... La situation, très vite, est devenue plus claire ...

En dix jours, Antoine et Selby sont à Koweït ... Ils sont accueillis dans un hôpital ... Médecins et personnels hospitaliers mettent en oeuvre tous leurs soins pour leur faire retrouver leurs forces perdues ... Ils en font à nouveau les solides gaillards qu'ils étaient ... Quinze jours après, ils montent dans un avion et s'envolent vers Bombay ... De là, ils regagnent les Seychelles par le navire le "Kampala". Nous sommes le quatorze mai ... Ils ont été absents de leur pays pendant trois mois et demi...




_ LV _




Cloches des églises, sonnez ... Que tout le monde se réjouisse et prie ... Que tout le monde prie pour ceux qui ne sont pas revenus ... Que tout le monde, pieusement, prie pour ceux qui ne reviendront plus ... Que chacun cependant remercie le Seigneur de nous avoir rendu Selby et Antoine ... Que, dans les paroisses et dans les familles, chacun se recueille et, malgré tout, se réjouisse de voir revenir deux enfants ...




Je vous ai conté, du mieux que je l'ai pu, avec les faibles moyens qui sont les miens ... Mais ce sont ceux que Dieu m'a donnés ... Je vous ai conté l'horrible histoire de la "Marie-Jeanne", qui se perdit sur l'océan, le vaste Océan Indien ... D'autres, bien d'autres navires se sont perdus, en cet océan ou sur les autres ... De certains on n'a jamais rien su ... On a su seulement que rien ni personne n'était revenu ... Des bateaux, bien des bateaux, gros ou petits ont disparu corps et biens et de ceux-là nul ne saura jamais rien. Il s'en perdra encore, des bateaux, pour des causes qui resteront à jamais ignorées ... Faut-il en référer au destin, à la malchance, à la Providence ... Aux Seychelles, pays où la foi est grande et intense, aucun doute : On parlera de la main de Dieu ...




_ LVI _




C'est ici que le conteur se taira, ayant achevé son histoire, la très véridique histoire de la "Marie-Jeanne", bateau de trente cinq pieds, construit en bois de takamaka ... Bateau qui dériva, erra dans les immensités de l'Océan Indien pendant deux mois et demi ... Et sur les dix passagers qui étaient à son bord lorsqu'il appareilla, le trente et un janvier mille neuf cent cinquante trois, on ne retrouva, le quinze avril, que deux survivants, qui avaient pour noms Selby Corgat et Antoine Vidot ... Veuillez, au moment où s'achève mon histoire et au moment où la braise s'éteint, alors que s'allument les kyrielles d'étoiles du Bon Dieu dans la ciel ... Veuillez avoir une pensée pour ceux qui ne sont plus ... Le conteur en sera suffisamment remercié. Il priera Dieu de vous conduire par la main en toute occasion et de ne jamais vous abandonner en quelque océan.


  (Récit d'après un document des Archives Nationales des Seychelles, à Victoria - Autorisation du conservateur, Monsieur de Baleine)

Assez curieusement, je n'ai pas trouvé un éditeur pour le publier ... Je me suis lassé des éditeurs ... Et pourtant, j'en ai beaucoup, des récits de ce genre-là : Tous les naufrages de l'Océan Indien ... Tous recueillis et récrits !

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