PLONGÉES
Des histoires de pêche, vous pensez si l’on en entend, en Polynésie
! Les Tahitiens naissent avec des harpons à la main ! Les Européens qui paient
fort cher et ont de gros bateaux étincelants de chromes et de nickel ne font
qu’essayer d’imiter les Tahitiens. Quand ils y parviennent, ils arborent un
pavillon pour le faire savoir. Ils ont des pavillons différents selon qu’ils
ont pêché un marlin, une daurade, un tazar ou un thon ... Et les pavillons
claquent au vent quand le bateau rentre et passe devant les pontons de l’hôtel
!
Les Tahitiens sont souvent plus discrets, mais ils savent les bons
coins, ils connaissent les courants, les récifs et les vents. J’ai vu revenir
des bateaux de contreplaqué avec des marlins bleus de cinq cents kilos, des
thons jaunes de quatre vingt dix et des tazars de vingt cinq. Tous pêchent à la
longue traîne avec un leurre en matière plastique qui ressemble souvent à une
petite pieuvre. Il faut parfois plusieurs heures pour sortir un gros poisson de
l’eau ... Quand il ne vous arrive pas ce qui m’est arrivé, c’est à dire que,
tout d’un coup, la prise qui se défendait et qui me semblait si lourde au bout
du fil de nylon, tout d’un coup, elle sortait de l’eau sans que je fasse aucun
effort.
remonter sur le pont du bateau ... La tête d’un
thon, et la tête seulement : Un requin avait
happé le reste !
Les Tahitiens ont des bateaux spéciaux pour chasser les
poissons-volants ou les daurades coryphènes. Ce sont des bateaux légers,
équipés de moteurs hors-bord très puissants. On les appelle des “poti-marara”,
les marara étant les poissons-volants. Ces bateaux se pilotent avec un manche à
balai, comme des avions. Une sorte de bac est prévu à l’avant, le pilote s’y
met. Il reste debout. Il est en sécurité pour ne pas tomber à la mer. Le
“poti-marara” est léger, rapide et très manoeuvrable. Il s’agit, de nuit, de
poursuivre le poisson qui fuit à la surface et de le harponner quand on le voit
briller dansla lumière. C’est le pilote lui-même qui tient et qui lance le
harpon, c’est pourquoi il a besoin de s’encastrer dans l’étroit logement prévu
à cet effet. J’ai rarement assisté à ce genre de pêche mais, croyez-moi, j’ai
vu les prises. Elles étaient nombreuses ! Il faut être un peu accrobate pour
réussir ... Je ne m’y suis pas risqué.
J’ai dit que les Tahitiens devaient naître avec un harpon à la main
... Il faut bien cela pour se tenir, dans l’eau jusqu’à la ceinture, debout sur
un récif battu par les vagues, en attendant qu’une carangue passe.
La détente est alors immédiate, et il est rare que le pêcheur
manque son coup !
Un jour, je longeais le récif, du côté de la haute mer. C’est
souvent là qu’on prend du poisson à la traîne. La mer était grosse. Les
déferlantes roulaient sur le récif et se brisaient en éclaboussures
étincelantes. Le son de leur déferlement était continu et puissant. C’était à
Raïatea, devent la passe de Miri-Miri. J’aperçois derrière un rouleau, un homme
qui faisait de grands signes des deux bras. Je m’approche prudemment, car le
récif est proche. Les signaux continuaient, incompréhensibles. Tout à coup, là,
juste devant nous ... Un bâton brisé qui émerge, tel un périscope de sous-marin
et qui avance ... Intrigué, je saute à la mer, équipé de mon masque et de mon
tuba. Alors je vois : Je vois une quantité de requins, des petits et des gros,
qui font une ronde autour d’une carangue blessée, une grosse carangue, comme je
n’en avais jamais vu au préalable ! Les requins préparaient l’hallali pour se
ruer sur leur proie qui saignait. Dans le dos de la carangue était planté un
harpon, un harpon brisé, solidement enfoncé. C’était le manche du harpon brisé
que nous avions vu avancer , vertical à la surface de la mer. Le pêcheur nous
le montrait.
Trop de requins ... Je les respecte infiniment ! Je sors de l’eau à la hâte et je grimpe dans mon bateau. Moteur en avant lente ... J’approche. Je saisis le manche du harpon. Je sors la carangue, aidé par mon coéquipier ... Elle pesait cinquante-cinq kilos !
Mais là où les Tahitiens sont époustouflants, c’est quand ils vous
accompagnent à la pêche sous-marine. En apnée, ils sont capables de rester sous
l’eau, allongés sur le fond et ... d’attendre là que le poisson qu’ils
convoitent soit à leur portée. Leurs fusils sont rudimentaires mais, pendant
qu’il vous a fallu, trois ou quatre fois, remonter à la surface pour respirer,
ils ont visé quatre ou cinq poissons successivement, les ont tous atteints et
remontent enfin à la surface avec tous ces poissons enfilés sur leur flêche
comme sur une brochette ! Vous avez, vous, senti pendant ce temps-là, quatre ou
cinq fois vos poumons prêts à exploser !
Il y aurait tant à raconter, à propos des pêcheurs tahitiens !
Mais écoutez plutôt ce pêcheur européen, client de l’hôtel voisin.
Il a le dos rouge comme une crevette, le ventre écarlate mais rebondi :
“Ah ! si vous aviez été là hier ! j’en
ai pêché un GRAND COMME CA ! “
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