jeudi 8 octobre 2015

LES JARDINS DES ÎLES ...









Quelque bédouin, arpentant les grèves à l'amble de son chameau du côté de Mascate ... Quelque marin traînant sur le sable sa chaloupe ou son prao ... Cela arrivait parfois : _ On découvrait dans l'écume de la vague un fruit bien curieux dont la rareté et l'aspect faisaient tout le prix, lequel était considérable...
C'était un fruit beaucoup plus gros qu'une noix de coco ... C'était le fruit le plus gros et le plus lourd qu'aucun arbre ait jamais porté. Une noix double, venue on ne savait d'où, on ne savait comment : Ce fruit ne pouvait pas flotter _ Il pesait plus de cinq kilogrammes et sa densité était supérieure à celle de l'eau. À bien le regarder, le tournant et le retournant, on ne pouvait que s'étonner : Quel génie, quel dieu peut-être, pouvait bien l' avoir cueilli, et en quel jardin ?
_ Aucune hésitation n'était possible : L'arbre qui le portait ne pouvait pousser que dans le jardin d'un génie ou dans celui du dieu de l'amour : Les rondeurs de cette noix double évoquaient sans conteste celles d'un fessier féminin : Rondeurs et orifices là où il le fallait ... Fente suggestive et même triangle velu bien placé. De quoi faire rêver le marin ou le bédouin : _ Images de houris au bord de l'Océan Indien !
Ce fruit était très recherché par les princes et les rois, les émirs et les sultans. Sa coque sculptée, gravée, niellée d'or, d'argent et de nacre devenait aiguière ou bien coupe précieuses. _ "Coco-de-mer" ...




























Qui découvrirait l'arbre qui le portait ?_ Cet arbre poussait-il sur terre, ou bien au fond des océans ? _ De ses formes on déduisait les propriétés supposées : _ La chair de ce fruit ne pouvait qu'être aphrodisiaque ... Et l'on disait qu'effectivement ... Elle réussissait très bien ... même à l'émir Abdul-Hamid, lequel avait plus de cent trente ans et trente six femmes ... Ceci expliquant cela, celui qui le ramassait avait fortune faite !
Et puis un jour, un grand voilier découvrit une île de granit rose, dans l'archipel qui se nomme maintenant les Seychelles. Cette île est celle qui reçut depuis le nom de Praslin, en l'honneur du Duc de Praslin, dit-on,( oui, celui qui inventa les prâlines ) ... A moins que ce ne fût en l'honneur de son cousin ?
... Dans le fond d'une vallée ... que l'on a ... Dieu sait pourquoi ... baptisée la Vallée de Mai, poussaient des palmiers immenses, aux larges feuilles en éventail : Ces palmiers portaient les"cocos-de-mer" ! Il y en avait toute une forêt, ( Elle existe encore ... ) _ Moiteur ... Chaleur ... On s'aperçut alors que, si les formes du fruit sont suggestives, celles de l'inflorescence mâle ne le sont pas moins : Il s'agit d'un énorme pénis brun ... long de deux coudées ... turgescent, tendu. Le moment venu, cette inflorescence s'incline en direction d'une autre inflorescence, femelle celle-là : En un subit orgasme, les mille petites étoiles jaunes qui le recouvrent éclatent toutes en même temps et libèrent les pollens qu'emporte la brise.

Mais on dit aussi ... On dit ... Que ne dit-on pas ? _ On dit que lorsque la mer se gonfle, lorsque les alisés sont doux et chauds ... Les palmiers gagnent la plage et, par couples, descendent jusqu'au fond de l'océan...C'est là qu'ils célèbrent leurs noces ... Au petit matin, chacun a regagné sa place par-delà les cascades .
... Qui l'a dit ? ... Qui l'a vu?

... Attendre la maturation des fruits : "Cocos-de-mer", ou de façon plus triviale mais plus courante : "Cocos-fesses" ... Et cela dit bien ce que celà veut dire ...
Dans la Vallée-de-Mai coule un clair ruisseau, sur un lit de cristal. Parfois, une palme chavire et tombe : C'est ainsi depuis la nuit des temps _ Un tapis de palmes recouvre le sol. Parfois passe une perruche noire, d'un seul trait ... Qui l'a vue ? ... Qui l'a vue ?
_ C'est ici que se trouvait le jardin d'Eden, n'est-ce pas ? Ici ont vécu Eve et Adam, n'est-il pas vrai? _ Un général anglais, l'imagina le premier... Et si l'on vous dit qu' il s'agissait d'un général anglais ... Comment ne pas le croire ?
... C'est une belle histoire. On me l'a contée au bord d'une plage ... à Tahiti pour la première fois ... Nous nous étions assis sur le sable noir, en lisière du jardin botanique, à Opunohu ... Même chaleur ... Mêmes odeurs séminales d'humus et de vie, telles qu'à l'aisselle de la fille pubère ou au ventre de la femme mûre ...



























Le soleil se couchait sur Mooréa, l'île voisine, déployant des éventails,des voiles et des draperies d'argent et d'or ... de pourpre aussi. On entendait rouler la vague au récif ... Le lagon brillait comme un grand plat d'étain ... Un grand poisson faisait des ricochets ...
_ " Je ne sais pas si l'acclimatation des "cocos-de-mer" a été essayée ici ... Elle n'a réussi nulle part : Le" coco-de-mer ne vit que dans la "vallée-de Mai".
_" Certains pensent que cette acclimatation aurait été réussie à Tahiti ... Si Harrison Smith l'avait tentée ...
_ " Harrison Smith ! Un Britannique, je crois ... Un grand diable qui vivait là, à demi-nu ... Ou parfois complètement nu... Il s'était épris de Tahiti ... _ Tu vois sa maison, là-bas ... Elle avait alors un toit de palmes au lieu de tôles ... Il dort son dernier sommeil tout en haut de la colline .. Là où il l'avait souhaité ... au-milieu des bambous qu'il avait plantés. _ " C'est lui qui créa le jardin botanique.
_ Combien d'hectares ? _ Je ne le sais pas exactement : Le jardin était beaucoup plus grand qu'aujourd'hui."

















Tulipiers aux fleurs rouges dressées en quenouilles, figuiers-banians aux racines descendant du haut des branches ... Ici un cannelier, là un girofflier, un poivrier, un quenettier, le carambolier aux fruits acides, le corossol, les manguiers ... La forêt des "mapé", là-bas ... Leurs troncs surgissent du marécage, soutenus paar des contreforts, comme les murs des cathédrales ... Lotus des étangs, nénuphars rouges ou violets...



Voici le rotin, la liane-de-jade, le sagoutier et le palmier-à huile. Voici les arbres- à-pain aux larges feuilles découpées, en leurs multiples variétés. ... Tous les hibiscus, les cierges des "opuhi", les fleurs des balisiers, aux couleurs de perroquets, les oiseaux-de-paradis par pleins massifs, et les cascades des bougainvillées ... Que dire encore ? _ La nacre des chairs, l''humidité des muqueuses tièdes ... Ah ! La rose-porcelaine !
Dans leur parc, tout près, deux tortues des Galapagos tentent de s'accoupler : Leur souffle se fait rauque, puis il devient presque un mugissement ... Le mâle a eu les yeux crevés par un imbécile. Ces deux tortues sont plus que centenaires ...
























_ " Harrison Smith ? C'était un silène, un satyre, un diable, un dieu ... Comme tu voudras ...
On dit ... On dit ...
Tiens, ce soir, as-tu vu la vieille petite dame qui marchait à pas lents au bord de la mer ? _ Elle portait une robe rose-bonbon et une capeline blanche ... On dit que chaque année, elle revient ici, au jour de la Saint-Valentin... Elle tenait à la main une fleur de lotus : soie froissée ... Je sais pourquoi elle vient ici tous les ans : ... Un soir, à la même heure que maintenant, ou à peu près ... À l'heure des odeurs suaves ... Elle a rencontré Harrison Smith sur la plage ... C'était il y a bien longtemps : Elle avait seize ans ! ... Nu, Harrison sortait du bain ... Arriva ce qui devait arriver ... Il cueillit sa fleur ... Là, sur le sable ... C'est cela que la vieille dame n'a jamais oublié ! ... Sans doute ce sacré Harrison faisait-il des miracles ! Chaque année, la vieille dame commémore la Saint-Valentin ... Mais croyez-moi, il y en eut d'autres, nombreuses...
Si elles venaient en pélerinage toutes ensemble au jardin botanique, cela ferait une belle procession !



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