jeudi 15 juin 2017

DRAME DANS L'OCÉAN




RELATION DU

VOYAGE DU SIEUR

ANACLETO  GOMEZ

NATIF DE PORTO, AU
           
       PORTUGAL ...








 









Le sieur Anacleto Gomez était propriétaire d'un tonnie, sur lequel

 il s'embarqua à Trinquebar pour se rendre à Trinquemalay, avec une

quantité de passagers qui, comme lui, après avoir été réduits aux

plus cruelles extrémités de la faim et de la soif pendant une traversée

 de près de cinquante jours sont venus se perdre sur l'Ile-du-Nord, à

six lieues de l'île Seychelles. ( L'île de Mahé était alors désignée sous

le nom d'île Seychelles. ) 






Le sieur Gomez partit de Trinquebar le vingt Novembre mille sept

cent quatre vingt huit pour Négapatnam où il arriva le soir du même

jour. Il repartit de Négapatnam pour Trinquemalay à huit heures du

matin, le vingt deux du même mois et fit route tout le jour avec bon

train jusque vers les huit heures du soir : Le vent, qui avait soufflé

du Nord au Nord-Ouest étant devenu trop violent, la mer embarquant

 de tous les bords et la « pluye » tombant à verse, le tandel fit mettre

bas la voile, qui fut déchirée par morceaux en l'amenant. 













Le lendemain à la pointe du jour il fit le Sud-Ouest pour tâcher

d'accoster la terre, qu'on avait perdue de vue, et vers les huit heures

du matin, il se trouva devant Trinquemalay, à environ six lieues,

mais étant sans voile et ayant fait tout ce chemin par la force des

courants et du vent, d'autres courants l'ont dépareillé de terre si

violemment qu'à dix heures du matin, personne n'en avait plus

connaissance. 






N'ayant point encore perdu tout espoir, bien qu'à la dérive, tout le

monde s'occupa à raccommoder cette voile pour tâcher d'approcher

la terre, après quoi on a continué avec cette mauvaise voile ... ( mot

illisible ) à faire le Sud-Ouest toute la nuit jusqu'au jour

( mot illisible) passés au Sud_Ouest les ont forcés à virer de bord et

à gouverner au Nord_Ouest. Ils ont tenu cette route jusqu'au

lendemain à quatre heures du matin, vingt neuf du mois, qu'ils ont

touché sur deux pièces de bois, l'une après l'autre, qui étaient entre

deux eaux, ce qui leur a fait croire qu'ils étaient sur les basses de

Ceylan, en conséquence de quoi ils ont amené la voile pour sonder,

ce qu'on a fait, sans trouver de fond, la voile, en l'amenant, s'étant

derechef mise en pièces et étant hors d'état d'être raccommodée ; ils

ont resté à sec, en proye aux vents et aux courants qui, au soleil

levant, leur ont fait reconnaître Batacale, à la distance de sept à huit

lieues.













Etant absolument sans voiles, tout le monde fournit des draps,

nappes, serviettes, même des jupes de femmes passagères pour

refaire une voile à dessin de rattraper cette terre qu'on avait reconnue

 au soleil levant , mais le malheur avait voulu que tout le monde

travaillât avec la plus grande activité après cette voile qui devait faire

leur salut, dès qu'elle a été faite, à dix heures du matin, on s'est

trouvé sans terre, sans qu'aucun d'eux ait pu dire ou juger de quel

côté elle leur restait. 




Ayant donc perdu cette terre de vue, et toute espérance de la rattraper

, ils ont tenu conseil sur la route qu'on devait tenir et, n'étant pas

absolument d'accord, on fit les airs du vent depuis le Nord jusqu'à

l' Ouest, autant que le vent l'a permis pendant la nouvelle lune,

jusqu'au dernier quartier, que les vents ont passé au Nord-Est.

Pour lors, on fit route directe à l'Ouest pendant vingt quatre heures,

mais, croyant que cette route n'était pas la meilleure pour rattraper

la pointe de Gal ou le cap Comorin, ils ont fait le Nord_Ouest jusqu'à

 la pleine lune en décembre.


 

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