dimanche 25 juin 2017

NAUFRAGE DU SAINT ABBS




    LE NAUFRAGE
            DU
 SAINT ABBS

                     (suite)












               _" Nous sommes six, sur l'île Bird. Nous

 formons un groupe un tant soit peu hétéroclite :

 Il y a d'abord le Capitaine, un homme d'aspect

assez peu engageant ... C'est le moins que l'on

puisse dire ... Il est vêtu de culottes courtes qui

lui arrivent aux genoux et d'une chemise. Il s'est

noué un mouchoir sur la tête. Ce personnage

rustaud ressemble à un véritable pirate ! Il a

environ quarante ans et personne ne serait

surpris d'apprendre qu'il a été, dans le passé,

débarqué pour mauvaise conduite ...

Il y a ensuite Massy, le charpentier du bord, qui

s'est sauvé à la nage, comme moi. Il est Écossais.

 C'est un homme calme, réservé, mais il est

dépressif et geignard ... Ce qui est excusable

d'ailleurs car il a laissé au pays une femme et des

 enfants. Le petit Français de Jersey, Bouche, est

le meilleur de nous tous : toujours gai et

toujours plein de ressources ... Il concocte des

potages avec des herbes qu'il récolte: Il aurait

donné du goût à un fou, même, si cela avait été

possible !

Le Hollandais, Harry, est d'un naturel

très violent. Il raconte des histoires

extraordinaires à propos de son histoire

personnelle ... A l'en croire, il a été pirate,

marchand d'esclaves ... Mais je ne retiens de ses

histoires que ce que je crois devoir en retenir ...

Il y a sans doute dans tout cela plus

d'imagination que de réalité. Lui-aussi est venu

à la nage ... Le matelot Edge est un homme

honnête. C'est un Cokney de bonne nature.

Son vrai nom est Pearce. 














_"Un soir, on entend hurler :

_" Une voile ! "

_" Loin sous le vent, nous apercevons les voiles

d'un navire faisant route vers nous. L'excitation

est grande, aussitôt ! Nous poussons des cris et

nous faisons des signaux ... Tout cela ne sert

évidemment à rien du tout car il est bien évident

 qu'il est impossible que l'on nous voie ou que

l'on nous entende ! Un profond désespoir nous

envahit tandis que les voiles diminuent, puis

disparaissent dans le soleil couchant ... 




_" Un autre événement vient donner de

l'animation à notre vie sur notre île : Le

Hollandais, échauffé sans doute par le brandy

saisit une hache de charpentier ... Il menace le

Capitaine en disant qu'il veut lui fendre le crâne .

.. Le Capitaine s'empare d'une épée, arrivée

jusqu'au rivage on ne sait comment ... Il porte

une botte aux Hollandais ... Calmement, je pose

la main sur l'arme ...















_" Non Harry, arrête ! Nous sommes cinq contre

 un et nous ne te permettrons pas d'accomplir un

 meurtre ... Pose ta hache ! "

_" Il la pose ... Cette intervention sera peut-être

à porter à mon crédit lorsqu'on jugera mes

pêchés au moment du Jugement Dernier !



_" Les jours passent ... Le soleil mord férocement.

 Il nous fait des cloques aux bras et aux jambes.

Il nous couvre de plaies et de croûtes ... Si jamais

 un jour, on te donne le choix entre mourir de

soif et mourir de faim ... Choisis la faim ! 
















_" Comme tu peux bien l'imaginer, nous avons

tout notre temps pour observer nos oiseaux de

mer et leurs mouvements ! ... Ils volent en

bandes et partent à de grandes distances ...

Ils reviennent avec un instinct infaillible ...








_" En plus de ceux qui vient sur l'île Bird, il y en

a d'autres qui vivent sur Juan-de-Nova. Certains

 semblent appartenir à une espèce de rapaces :

frégates, ou "oiseaux-combattants". D'en haut ils

 guettent les sternes jusqu'à ce qu'ils plongent et

attrapent un poisson. Ces pirates les poursuivent

 alors jusqu'à ce qu'ils dégorgent leur proie ...

Qu'ils saisissent au vol ! ... Pauvres sternes !

... Nous moralisons à propos de ce pillage des

plus faibles par les plus forts ... dans le "meilleur

 des mondes" ...





_"Cependant, nous avons réussi à assembler

une sorte de radeau ... tout au moins quelque

chose qui y ressemble ... Nous attendrons les

marées de vives-eaux et, quand la mer sera à son

 niveau le plus bas, nous essaierons, en

pataugeant et en traînant ce radeau, de longer

le récif jusqu'à Juan-de-Nova, distante de cinq

milles peut-être. Juan-de-Nova est plus haute

que Bird. Elle est couverte de buissons et de

broussailles ... là, nous avons des chances de

trouver de l'eau douce ...















_" Je crois que nous nous trouvons sur l'île Bird

 depuis seize jours lorsque, toutes les conditions

favorables étant réunies, nous entreprenons de

tirer et de pousser notre radeau en longeant le

récif de corail, après y avoir placé

précautionneusement nos précieuses provisions ...

_" Je m'enveloppe les pieds avec des chiffons

pour les protéger du corail coupant mais la

marche et le traînage sont cependant très

pénibles ... Par moments, je suis obligé de

monter sur le radeau. Nous devons parfois

traverser des cuvettes profondes ... Une escorte

de requins nous y surveille, mais ils sont timides

 et peureux ... Un coup sur le nez suffit à les

effrayer. 

                 _" Dans l'après-midi, nous arrivons à

Juan-de-Nova. Avant d'explorer notre nouveau

domaine, nous nous allongeons pour nous

reposer ...


            



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