LE NAUFRAGE
DU
SAINT ABBS
(suite)
_" L'exploration commence ... L'île n'a
aucun
relief ... Au centre, nous trouvons quelques
mares ... L'eau en est boueuse ... Mais
c'est de
l'eau douce !
Elle mesure environ trois milles sur un
demi-
mille de large. Des broussailles et des
arbres
rabougris la recouvrent. Les oiseaux sont
nombreux : Ils perchent sur les arbres et
les
arbustes.
_" Nous poussons notre radeau le long
du rivage
, à travers les eaux peu profondes ...
Le lendemain, nous gagnons l'autre extrémité
de
l'île, où se trouvent une petite éminence, un
palmier chétif et quelques mares dont l'eau
est
saumâtre, mais buvable. Il y a également là
une
hutte et, bien évidemment, nous décidons d'y
installer notre campement. Dans la mer toute
proche, il y a un parc à tortues ... Il
contient
quelques tortues vivantes.
_" Notre situation se trouve donc
améliorée,
l'avenir s'annonce avec un peu plus d'espoir
:
De toute évidence l'île n'est pas
abandonnée,
elle reçoit périodiquement des visites ...
_" La première nuit, des hurlements
nous
alarment : Il semble bien qu'ils soient ceux
que
pousseraient des bêtes sauvages ...
Nous découvrirons plus tard qu'il ne s'agit que
de chiens revenus à l'état sauvage, qui
vivent
dans la brousse. Ils doivent rôder la nuit
le long
des rivages, se nourrissant de crabes ...
Le charpentier les rencontrera un jour ...
Surpris, il reviendra prudemment au
campement.
_" A partir de ce jour il y a un peu
plus de variété
dans
notre routine quotidienne. Les fous,
oiseaux plus gros que ceux de Bird vivent
dans
la brousse. Nous partons à leur recherche
chaque matin, armés de bâtons, pour assurer
l'approvisionnement. Ils demeurent stupides,
attendant qu'on les assomme ... Mais ils
deviennent vite plus rares et nous sommes
inquiets pour notre nourriture ... La
frégate,
autrement dénommée l'
"oiseau-combattant" est
également l'un des habitants de notre île.
Un jour, le Capitaine en ramène une ...
Il la mange pour son dîner ... Nous nous
sommes
beaucoup moqués de lui ! ... À en juger à
l'odeur
, les fous et les sternes sont moins
goûteux,
assurément !
_" La nuit, nous dormons dans la hutte
... Nous
dormirions peut-être moins tranquillement si
nous savions qu'elle a été occupée ...
par des lépreux !
_"Ces journées harassantes nous ont
passablement affaiblis, bien que nous ayons
varié notre nourriture en mangeant des
tortues ...
Notre
santé commence à s'en ressentir ...
_"L'impression d'être coupés du reste
du monde
devient difficilement tolérable ...
Nous imaginons parfois de lancer un radeau
sur
l'océan, plutôt que de traîner une vie si
misérable ...
-" Y a-t-il pire que ce que nous vivons
? "
_" Avant de répondre à cette question,
que nous
nous posons tous, essayez donc de vivre sur
une
île avec l'espoir pour toute compagnie
!
_" Une nuit, Harry le Hollandais, fait
un rêve :
Au petit matin il nous raconte qu'il a vu
une
voile ... Peut-être a-t-il un don de voyance
et de
prophétie ? ... Le même jour ... Je suis
seul, en
train de faire cuire des oiseaux ...
J'entends un
cri ...
_" Je lève les yeux ... Je vois un
homme qui
gesticule et qui hurle comme un fou, sur la
dune
qui nous sert d'observatoire ... Je laisse
choir les
oiseaux dans le feu ! Je grimpe sur la dune,
aussi vite que mes jambes me le permettent
...
J'aperçois une goélette ... à l'ancre, tout
près de
notre île ! ... Enfin, l'heure de la
délivrance est
venue !
_" Une embarcation légère, montée par
des noirs
avec
un blanc à la barre aborde le rivage ...
C'est en Français que l'on nous interpelle
et que
nous racontons nos aventures ...
_"La goélette s'appelle la "Marie".
C'est un bateau seychellois. Il croisait, à
la
recherche des tortues de mer ... Le patron,
un
Créole-Français, nous fait envoyer un peu de
nourriture et quelques vêtements ...
Ce que ses maigres ressources lui permettent
...
_" Il accepte, bien entendu, de nous
emmener
avec lui ... A son bord, nous mangeons du
riz ...
C'est, je vous l'assure, ce qu'il y a de
plus
délicieux ... O ! Combien ce riz bouilli
nous
paraît délicieux !
_" Il me semble que nous embarquons sur
la
"Marie" le vingt deux juillet mille
huit cent
cinquante cinq ... Nous avons donc passé
trente
six jours sur nos îles ! ... C'est avec une
grande
joie que nous quittons ce repaire de fous et
autres oiseaux de mer ... Nous mettons le
cap sur
les
Seychelles ... Malgré ses maigres ressources,
le Capitaine de la "Marie" fait
tout ce qu'il peut
pour subvenir à nos besoins. Nous sommes
toujours têtes nues et pieds nus mais, comme
nous y sommes habitués, cela ne nous
préoccupe
guère
...
Nous sommes nourris de riz, accompagné de
viande de tortue et de poisson salé.
_" La "Marie" commence par faire route vers le
canal du Mozambique, à la recherche d'une
équipe de noirs qui ont été laissés sur
Astove
quelques mois plus tôt pour y chercher des
tortues. Le vent est fort, la vieille
goélette fait de
l'eau ... Le voyage n'est guère plaisant.
Au bout de quelques jours, nous sommes à
Astove mais il n'y a là aucune trace de vie
humaine ... Le Capitaine reprend donc la
route
des Seychelles, qui se trouvent à une petite
centaine de milles dans le nord ...
( Nous apprendrons plus tard que les
chasseurs
de tortues, manquant de provisions, ont été
recueillis par un bateau de passage ... )
Le temps est très mauvais. Nous échappons de
justesse à un nouveau naufrage sur un banc
de
récifs ...
_"Après dix jours de navigation sur ce
bateau
qui prend l'eau nous voici enfin en vue des
Seychelles ... L'Officier de Santé monte à
bord ...
Il est fort surpris d'y rencontrer des passagers
si
étranges ... Il repart pour faire son
rapport ...
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