Sina était une
très belle princesse des
îles Samoa. Elle était
alliée à tous les grands
chefs de son temps.
La réputation de sa
beauté s'était d'abord
répandue partout dans
les îles proches, puis
dans les îles Tonga et,
au-delà, jusque dans les
îles Fidji.
Tous
les grands
chefs de son
pays
avaient rivalisé
d'habileté et de parures
pour toucher son coeur
mais aucun, même le
ceux des îles Tonga qui
se présentèrent.
Ils s'essayèrent aux
concours de javelots :
C'était à qui en planterait
le plus grand
nombre
dans la noix de coco la
plus éloignée, fixée le
plus haut. Ensuite, il y
eut un concours de
pêche au harpon et ce
fut à qui, des plus hauts
récifs de corail, prendrait
le plus gros
poisson, il y
eut des
courses sur la
plage. On se défia à
celui qui réussirait à
soulever la plus grosse
pierre, la plus lourde.
Je crois même que l'on
se défia à celui qui
plongerait le plus
profondément dans le
lagon, à celui qui
resterait le plus
longtemps sous les eaux
. Quelques uns y
laissèrent la vie ...
Les survivants
rivalisèrent ensuite pour
la beauté de leurs
parures et la grâce de
leurs chansons et de
leurs danses. Rien n'y fit
: Le plus
jeune, le plus
beau et le plus brave
des chefs Tongans ne
parvint pas à toucher le
coeur de la princesse.
Tingilau, fils du
grand chef
fidjien
Tui-Viti décida d'aller
voir la princesse
qu'aucun chef n'avait pu
conquérir.
Paré de toute
sa beauté,
guidé par
deux tortues favorites
au service de ses dieux,
suivi par une
flottille de
canots de guerre,
Tingilau prit la mer.
Il arriva à Samoa sans
difficulté, porté par les
eaux calmes et une
douce brise.
Il se présenta devant la
belle Sina : Beau et
brave, gai et éloquent, il
n'eut pas de mal à
gagner le coeur de la
princesse : Ce fut pour
eux comme si le ciel
s'était entrouvert !
Ils annoncèrent leur
bonheur...
Tous
les chefs
Samoans, piqués de
jalousie, s'opposèrent
au départ de la
princesse : il n'était pas
question qu'elle suivît
un étranger!
Tingilau leur répondit
que, dans son pays,
personne n'aurait osé
s'opposer aux désirs du
fils de Tui-Viti.
Il demanda à son
équipage de se préparer
à combattre .
Mais Sina
tempéra sa
colère
impétueuse en lui disant
:
_ " Je ne peux pas me
rendre à ton canot en
marchant dans le sang
de mes parents ! "
Puis, mutine et
rusée, elle ajouta :
_ " La lune est ronde et
brillante ...
Combien d'hommes
faudrait-il pour vaincre la
résistance
d'une femme
et de
quelques-unes de
ses
domestiques, si on
les trouvait se
promenant
tranquillement au bord
de la mer au clair de
cette pleine lune ? "
Tingilau garda
le silence. Il cherchait
dans son esprit quel
était le sens du
message caché.
Il réfléchit longuement
puis il dit à la belle Sina
qu'il se retirait, avec ses
hommes, pour aller boire
, comme tous les soirs,
la liqueur sacrée du
Kawa.
Sina avait compris : Elle
attendit que
le temps fût
venu d'aller
se
promener sur la plage
au clair de la lune ...
Autour du bol
à Kawa
étaient assis
Tingilau, fils de Tui-Viti,
et ses chefs, choisis
parmi les fidèles
capitaines de sa flotte.
Tingilau, s'adressant à
eux, dit :
_ "
Mon père,
Tui-Viti, attend notre
retour. Je lui ai promis
que nous sonnerions de
la conque et
du tambour,
en arrivant,
pour
annoncer l'heureuse
arrivée de la princesse
Sina. S'il n'entend pas le
tambour et la
conque,
jamais il ne nous
laissera aborder les
Fidji. Nous devons
absolument ramener la
belle Sina, que tous les
autres chefs n'ont pu
obtenir ... Cette nuit,
quand la marée atteindra
les pieux
auxquels les
canots sont amarrés et
que la fraîche brise de
terre apportera le
sommeil aux jeunes
guerriers samoans, que
vos voiles soient prêtes
et vos pagaies dehors ..."
Tingilau, fils
de Tui-Viti but son kawa
et il retourna vers la
belle Sina.
Il lui dit tranquillement à
l'oreille:
_ " Je pense qu'un chef,
avec l'aide
de trois ou
quatre guerriers fidèles,
pourrait vaincre la
résistance d'une jeune
princesse et de trois ou
quatre de ses suivantes,
si elles se
promenaient
sur le rivage pour voir
la marée
montante et le
coucher de la
lune. "
Avec un
petit
sourire en coin, Sina
sussura à son oreille :
_ " Tingilau, le fils de
Tui-Viti, pourrait s'en
assurer en en faisant
l'essai ... "
Les suivantes
de Sina chantèrent des
chansons qui louaient
sa beauté. Le refrain
répétait à l'envi que
jamais aucun chef ne
pourrait toucher son
coeur ou l'emmener ...
Les
compagnons
de Tingilau
chantèrent
des chansons qui
plaignaient leur chef: Le
choeur répétait à l'envi
l'impossibilité de toucher
le coeur de
Sina et la
"nécessité" de retourner
aux îles Fidji sans la
belle princesse ...
Les jeunes Samoans
s'endormirent
tranquillement.
Au
moment où
le milieu de la nuit était
passé, quand la lune fut
dans l'ouest, Sina et
cinq filles se rendirent
sur la plage de sable
du rivage. Les flots
montants battaient leurs
pieds nus.
Tingilau était
là, avec cinq
fidèles
compagnons.
Chaque
homme
enleva son
fardeau, qui
restait
silencieux, et le
porta dans le canot de
Tingilau. Les pieux
furent abandonnés.
La fraîche brise de terre
gonfla les voiles.
La belle Sina, qui avait
attiré aux Samoa un si
grand nombre de jeunes
chefs des
autres îles,
parés de leurs belles
nattes ornées de plumes
de perroquet
rouge, de
leurs brillants ornements
de tête en
coquilles de
nautilus , de leurs riches
colliers de
perles et de
nacre, la belle Sina, dont
le coeur
n'avait pu être
touché par aucun chef
des Tonga, partait et
s'éloignait sur la mer
avec le beau et brave
Tingilau, le fils de
Tui-Viti ...