samedi 8 décembre 2018

RAIATEA LA SACRÉE ....




RAIATEA, LA SACRÉE …






                          








L’île, disais-je, est l’outrance du

village. je le disais il y a dix ans,

lorsque j’habitais à Raïatea.

Je pensais alors aux miasmes

délétères des jalousies, des envies,

des commérages.











Il est bien vrai, et cela perdure.

Mais, en mille neuf cent quatre vingt

quatorze quelques enseignements

sont à tirer, les éclairages étant sans

doute plus crus pour le passant que

je suis devenu.












Au premier abord l’île ne semble pas

abîmée. Elle paraîtrait plus belle,

même, plus verte, plus fleurie, face à

un horizon sur lequel se détachent,

superbes, les îles voisines : Huahiné,

Tahaa, Bora-Bora. Évidemment,

l’affligeant spectacle offert par

l’agglomération d’Uturoa ne peut que

surprendre : antiques baraques que

l’on tarde démolir, façades de béton

écaillé, toitures rouillées, vitrines

surchargées de bric à brac, bâtiments

 publics jouant les cathédrales.

L’hôpital est tout neuf ...

Il est vieux pourtant.




 



Les rues, les routes sont plutôt

devenues meilleures. Il n’y a guère

d’embarras de circulation ...


Heureux habitants !


Le lagon qui enchâsse tout à la fois

Raïatea et Tahaa a toujours des

couleurs somptueuses. Le coup d’oeil,

 à lui seul, mérite le voyage ! Lequel

voyage est très cher d’ailleurs !











Il y a un lycée d’enseignement général

 On y fabrique des bacs G qui

prédisposent en principe à devenir

secrétaire ou dactylo. Mais les jeunes

qui en sont titulaires ne voudront

devenir ni secrétaires ni dactylos

pour la plupart d’entre eux. Ils sont à

peu près assurés de devenir

institutrices et instituteurs.

 




Splendeur des structures “adaptées”,

 ils deviendront fonctionnaires d’état.

 Une institutrice fait vivre, ici, une

tripotée de gosses à baladeurs et à

V.T.T.. Son époux, lui, a souvent pour

 occupation principale de boire de la

bière. On engraisse à force de sucres

 et de féculents. Personne à l’entour

ne serait capable de me dire si

l’individu que j’ai rencontré dans

l’aéroport, qui écartait les bras et les

jambes, bonne mine par ailleurs,

allait pouvoir s’asseoir dans l’avion.

Combien lui fallait-il de sièges ?


 



De part et d’autres d’Uturoa, tout le

bord de mer est colonisé par les

enseignants des lycées et collèges.

Les maisons sont louées par des

commerçants chinois ou par des

Tahitiens aisés. Les locataires se

succèdent tous les trois ans ou tous

les six ans, selon la longueur des

contrats des enseignants et selon la

manière dont l’épouse du

fonctionnaire en détachement aura

su occuper son ennui.




Merveilleux pays ! C’est un Territoire

 français , mais il y a des Français qui

le sont d’une autre manière que les

autres. Pour bénéficier des gros

salaires, des indemnités et des primes

 tout le monde est Français.

Tout le monde se voit offrir tous les

trois ans un voyage en métropole

pour un congé “bonifié”, et cela qu’il

s’agisse d’un expatrié ou d’un “natif”.

Beaucoup, du reste, préfèrent ne pas

en bénéficier : Les avantages de

l’’indexation sont supérieurs au coût

du voyage ! Mais lorsqu’il s’agit de vie

 sociale, il y a les citoyens d’ici et les

citoyens d’ailleurs. Il n’y a pas un élu

d’origine métropolitaine dans les

assemblées locales. C’est sans doute

ce que recouvre la notion

“d’autonomie”. Du reste, les

européens se satisfont très bien de ce

statut : Il permet de railler sans frais !


 



Il est vrai que la règle n’en fait que

des passants. Ils ne demeurent que le

temps nécessaire à l’achat d’un

appartement en métropole, au

moment du retour. Pour l’heure, ils

filent sur le lagon en canots avec des

moteurs hors-bord et vont à la pèche

à l’espadon. Pour les femmes, si elles

ne supportent pas les sorties en mer,

il y a la bronzette ou les papotages ...

Souvent les deux !


 


Quelques européens, en se mariant

ici ont gagné certains privilèges.

Ils en ont conscience et se taisent.

Ce ne sont pas les plus flagorneurs.

Quant aux Tahitiens, ils en ont

tellement vu passer, des Européens !




On évoquait autrefois les miasmes et

les fièvres tropicales. On en retrouve

encore les effets exécrables : il n’est

question ici que de rivalités, de

corruption, de rancœurs.








À côté du Lycée d’enseignement

général il y un Lycée d’Enseignement

 professionnel, deux collèges, des

établissements d’enseignement privé,

des écoles primaires et maternelles.

Cela fait beaucoup de fonctionnaires

qui s’ignorent et se toisent.

C’est là où naissent les histoires, sur

fond d’ennui et d’envie.

S’y ajoutent les politiques ...


 



On n’en finirait pas d’évoquer les

promotions soudaines et les carrières

 brisées. Pour l’heure Uturoa bruit de

rumeurs de poursuites devant le

Tribunal Administratif et de requêtes

 d’avocats. Ce n’est pas la première

fois.





Ici, par ailleurs, on se gave de

télévision, on s’empiffre de sucreries,

 on boit de la bière ou du Coca-Cola,

on mâchouille des “Twisties”. j’ai vu

des enfants partir à l’école avec

d’énormes sandwichs ... garnis avec

des nouilles et du “Ketchup” !


 


Pourtant, Raïatea est splendide,

incomparable.

Il faut se méfier des “pensions”

approximatives tenues par des

Européens : Leurs propriétaires ne

rêvent que de faire percer les

montagnes, tracer des routes, bâtir,

installer des machines à sous pour

attirer les touristes ...


 


Les bulldozers creusent des terrasses

à flanc de collines.

Dans chaque terrasse la pluie creuse

des sillons. Elle entraîne les boues

rouges jusque dans le lagon.


 




Les adolescents fument du haschich

 que l’on nomme pakalolo,

consomment parfois des

champignons hallucinogènes.


 



Au sommet du mont Téméhani

s’épanouit la fleur du tiaré apétahi,

qui n’existe nulle part ailleurs dans le

monde. Mais pendant combien de

temps fleurira-t-elle alors qu’on n’en

prend aucun soin ?




C’est sous la surface que Raïatea est

abîmée, sous la ligne de flottaison.

Sous la surface des êtres et des flots.



Le lagon a toujours ses émeraudes et

ses saphirs. Il est bordé de blanc.

Un nombre de plus en plus important

de voiliers le sillonnent. Mais sous la

surface, les coraux sont morts, ternes,

 gris, bousculés, excavés.


 


                     L’eau est embrumée d’une

 suspension qui est une sorte de

poussière. Les émaux sont éteints.

Les poissons si merveilleux sont

devenus rares. Par quelle folie les

hommes ont-ils détruit les fonds pour

 en tirer le calcaire dont ils se sont

servi pour faire le revêtement des

routes ?


 



Je le savais. C’était déjà ainsi il y a

dix ans ... J’avais compté sur le

pouvoir régénérateur de la mer et sur

 une sagesse revenue ...


 

 On ne peut pas tout régénérer, sans

doute !



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