L’hôtellerie
À Bora-Bora, on n’a pas encore
clôturé la mer. On la voit de
partout en faisant le tour de l’île. Le charme d’une île,
il vient
bien de là ?
Au centre se dresse le mont “Te
Manu”, (l’oiseau), mais faut-
il l’appeler un mont, un pic ? C’est un bloc de basalte
poussé
vers le ciel par les forces internes, un roc d’une seule pièce,
comme un énorme
doigt dressé. Il est magnifique. Des
oiseaux blancs, du bas des falaises
jusqu’en haut, jouent au
cerf-volant dans les courants d’air.
Bora-Bora, c’est pourtant un lagon,
d’abord. Un lagon qui
pourrait bien ne pas avoir son pareil, enserré par des
îlots
verts égrenés en collier tout long du récif.
Le bleu du large vire au violet, puis
au mauve vers l’horizon.
Ligne grise du récif, et les vagues en se brisant la frangent de
blanc. Taches vertes des “motus” puis, à l’intérieur du lagon,
toutes les
nuances de bleu et de vert, avec des taches
mouvantes et versicolores, là où le
corail affleure.
Souvent, un grand bateau blanc
vient mouiller dans la passe.
Taches rouges des bouées et des canots.
Quel imbécile a voulu tirer deux
vieux caboteurs au sec, pour
en faire des bistrots ?
Y sont-ils encore ? Longtemps on
les a laissés là, tas de rouille
à moitié immergés, le nez en l’air !
Il n’y a pas eu ici de
Pearl-Harbour. On rencontre d’énormes
canons pourtant. Ils rappellent que les troupes
américaines
stationnaient là pendant la dernière guerre.
Mais les batailles sont demeurées
lointaines.
Bora-Bora est devenue maintenant la
destination préférée
des touristes américains et japonais, belligérants de
naguère.
Mais dans l’île il n’y a qu’une seule plage de sable blanc.
C’est une merveille,
il est vrai !
Bien entendu, c’est là qu’ont
poussé les hôtels, semant jusque
dans les eaux du lagon leurs bungalows sur pilotis :
cloisons
de bambous et toits de pandanus.
Exotisme garanti ! Au centre du
plancher, dans le milieu du
salon, une vitre permet d’admirer les poissons qui
passent.
Un plongeur passe la nettoyer tous les matins. C’est cher.
C’est très
cher. Mais c’est bien ce qu’on a voulu, n’est-ce pas ?
Alors voilà: Sur cette unique plage
blanche, les natifs avaient
l’ancestrale habitude de venir batifoler : pique-niques
du
dimanche, avec nattes déroulées, pâté en boîte, glacières,
coca-cola, bière
“Hinano” et musique ... Autrefois, on faisait
griller du poisson et du “uru”, le fruit de
l’arbre à pain. On
mordait dans les fruits et on se régalait avec du “poë”.
Il est maintenant devenu impossible
de pique-niquer sur la
plage : trop de bungalows, trop de touristes ! ...
En veux-tu ? - En voilà !
Le natif a pris sa barque. Il est
allé pique-niquer plus loin, sur
les “motus”, sur les îlots, tous bordés de sable blanc.
Mais on
n’arrête pas le tourisme ! ... Passerelles lancées d’un
bungalow à l’autre,
wharfs tout en longueur, qui s’étirent
jusqu’à quatre cents mètres du bord de la
plage.
Les touristes aussi, sont allés sur les îlots.
Et c’est le conflit. Celui qu’on
aurait dû prévoir : Impossible
de pique-niquer sur la plage, impossible de pique-niquer
sur
les “motus”...
-” Eh ! Sommes-nous encore chez
nous ?”
D’une passerelle à l’autre, les
vahinés transportent toute la
semaine des plateaux de boissons fraîches. Mais le dimanche,
il leur arrive de partager la colère de leurs époux :
-” Sommes-nous encore chez nous ?”
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