FESTIVITES NATIONALES ET
RELIGIEUSES
Les Seychelles en 1992 - Souvenirs
C'était hier le jour de l'Assomption
et la fête nationale. Flaubert était à Victoria, et Félicité sans doute dans
quelque galetas.
La procession défilait avec croix,
bannières, surplis, pistons et tubas. Monseigneur avait mître en tête, et
portait la crosse épiscopale. Les encensoirs balançaient, les chorales
chantaient. Plusieurs milliers de personnes étaient là. Pantalons gris,
chemises blanches, ventres arrogants ou ventres plats, chapeaux de feutre ...
Les messieurs chantaient à pleins poumons, comme aussi les dames, leurs
épouses. Celles-ci portaient toilette : Jeunes en souliers à talons hauts,
vieilles en souliers bas, les unes en jupes plates, les autres en robes à
ramages et bibis blancs.Les grandes -mères à la taille la plus lourde étaient
aussi celles qui arboraient le plus de froufrous, de tulles, de voilages, de dentelles
... en jaune, en mauve, en vert ... décolletés et importants avantages.
La messe est dite dans l'enclos, face
à la cathédrale : Cinq prêtres, l'un athlétique, le second petit et barbu, les
uns au visage clair, d'autres au visage sombre. Chasubles immaculées, brodées
de rouge. Monseigneur bedonne. Les communiants de l'année sont là, sur le gazon
: Les garçons portent costume et brassard ... Comme à Yvetot ! Les filles
portent de véritables robes de petites mariées, à volants, à plissés, à bouillonnés
de satin. Elles portent bas blancs et demi talons, leur front est ceint d'une
couronne...
Voici les soeurs qui défilent en
groupes constitués portant bannières : Soeurs en blouses blanches, venues
d'Irlande, soeurs aux voiles bordés de lignes bleues, venues de l'Inde, et qui
ont le teint bistre. Soeurs en bure brune, enfin, et à faces noires ...
Servantes de Dieu et servantes des hommes .
Les bannières sont de soie, brodées
comme en pays cauchois ... de coeurs, de devises, de fleurs et de croix.
Fleurs sur l'autel, pour la messe
concélébrée . Orgue électronique, clarinettes, hautbois. L' office est dit en
Français, les chants et les litanies aussi.Les sermons sont prononcés en langue
créole.
_ Merveilles du récit de la Genèse :
_" Le Seigneur Dieu appela
l'homme et lui demanda : _ Où es-tu ? ... L'homme répondit : _" Je t'ai
entendu dans le jardin. J'ai eu peur, car je suis nu, et je me suis
caché". _ "Qui t'a appris que tu es nu ?" demanda le
Seigneur-Dieu ? "Aurais-tu goûté au fruit que je t'avais défendu de manger
? "
... Merveille, encore bien plus
grande, d'entendre, en Français cette parole de Dieu, sous les frangipaniers et
sous les flamboyants !
_ " Abraham ! _ À tes
descendants, je donne ce pays, depuis le torrent d'Egypte jusqu'à l'Euphrate.
"
... Parole de Dieu, lue par des
Créoles, sur un îlot de l'Océan
Indien ... Tandis que là-bas, en Palestine, des gamins lapident les
soldats des Juifs ... Merveille de l'identification au " Peuple élu
", en tant de lieux, sous tant de cieux, à travers les lustres et les siècles
...
_ Ô ! Peuple créole, chantant
Jérusalem !
_ " Loué soit le Seigneur
!"
_ Les répons alternent, entre la
chorale et le peuple... Coupons de tissus bleu-ciel, pendus à la façade de
l'église cathédrale... Dirons-nous les pieds douloureux, gonflés, et les
chaussures que l'on ôte ? Dirons-nous les vieillards qui se redressent, les
dents déchaussées, les mentons en galoches, les doigts tordus, égrenant des
chapelets ? Ici, ils sont les mêmes qu'à Rouen ou à Grand_Quévilly ! ... Le
commerçant florissant chante afin que ses pêchés lui soient remis ... La
postière, le chauffeur, la grand'mère au teint clair et celle au visage noir ,
la vendeuse de courges, le marin, le fils du Commissaire, celui du laboureur
... Ils sont tous ici ... Et les enfants des écoles avec leurs professeurs,
tous en uniformes .
Ils sont là, chantant la gloire
d'Israël et de son Dieu. La procession se forme : croix, bannières, enfants,
poussettes et landaus, les religieuses, la fanfare et la foule. En queue du
cortège : La statue de la Vierge ... aussi sulpicienne que celle de Trouville !
Chants, fleurs, cuivres et encens ... La tête du défilé revient déjà, alors que
la queue ne s'est pas encore ébranlée.
On n'entend presque rien que du
Français ... entrecoupé de Créole ... Il n'y eut pourtant ici que quarante
années de domination française ... achevées en mille huit cent dix !
_ Mais que sera demain ? Il m'a
semblé voir là plus de vieux que de jeunes, si l'on excepte les écoliers venus
en corps constitués. Mais combien y avait-il de jeunes dans la force de l'âge ?
_ Il y en avait, il y en avait ... Et
les bébés étaient si beaux dans leurs atours! ... L' âge venu, chanteront-ils
en Français comme leurs grands-parents ? _ Mais qu'exigerions-nous ?
_ En pays normand, chante-t-on encore
, de reposoir en reposoir, le Dieu des Juifs et
d' Israël ? _ Le chante-t-on toujours à la Nouvelle-Orléans ?
d' Israël ? _ Le chante-t-on toujours à la Nouvelle-Orléans ?
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