mercredi 16 mars 2016

QUÉBEC





QUÉBEC













Mais, place au travail pour lequel je suis venu : Il ne faut guère plus de dix minutes d’entretien avec un professeur québécois pour s’apercevoir que, s’il est volontaire pour partir en France pendant une année, c’est dans l’espoir de fuir la neige, la glace, pendant ce temps-là.

-     « Mon pays, c’est la neige … », chante Gilles Vigneau. Les Québécois sont très attachés à leur « Belle Province », mais … un hiver sans glace et sans neige !















Sortant de la vieille ville de Québec par je ne sais plus quelle porte fortifiée, je tombe sur une esplanade toute plate : On est occupé à l’édification de sculptures monumentales ;;; En glace ! Chaque année, à grands coups de jets d’eau aussitôt solidifiée, puis sculptée, on construit des chars et des palais, on dresse des personnages et des animaux fantastiques … qui fondront le printemps venu !


















Je n’assisterai pas aux journées du carnaval car je dois partir vers d’autres villes. J’en verrai les prémisses : déambulations dans la neige. Un corps gît au beau milieu d’un champ de neige vierge, c’est un homme, jambes écartées, bras aussi. Il a la face dans la neige et … Il ronfle ! Donc il vit … On boit bien à Québec, les jours de carnaval ! La plupart des promeneurs sont équipés d’une canne en matière plastique, creuse … Souvent ils s’arrêtent, dévissent la poignée de leur canne et … s’envoient dans la gorge une large goulée de « caribou ». Le « caribou », c’est un mélange de vin rouge et de gin, en parties égales … Le caribou fait chanter, avant de faire tituber, puis de faire dormir … le nez dans la neige éventuellement !
Mais il ne fait que vingt-cinq degrés centigrades sous zéro ce jour-là : Pour ma part, je supporte encore, manteau ouvert sur mon pull marin.


























Les chasse-neige font très bien leur travail : L’autoroute est parfaitement libre, qui nous conduit à Montréal. Nous longerons des champs de neige vierge, nous devinerons les forêts de sapins à leurs lisières : arbres aux branches brisées sous leur charge de neige … Des pendeloques de glace sont suspendues aux rameaux. Le givre brille sur les feuilles.


Immenses étendues, lassantes un peu : La neige recouvre tout, nivelle tout. Les cours d’eau sont pris dans les glaces, elles-mêmes recouvertes de neige,les lacs le sont tout autant, les collines semblent arasées par les accumulations de neige.  L’hiver, les campagnes québécoises sont monotones … Ah ! revenir un jour … Découvrir les herbages et les fleurs, découvrir les eaux vives et les eaux qui dorment ! Dans l’autobus, mais nous y sommes habitués maintenant, on a si chaud que l’on est obligé de tomber la veste.












                                                      CHICOUTIMI


Montréal … Ville étrange, égrenée au long des routes et des avenues, maisons basses, avec un ou deux étages seulement. Escaliers extérieurs pour accéder directement au premier étage, celui qui échappe à l’enneigement. Puis le centre ville : Une église dont le clocher a dû naguère paraître haut, puisqu’il dépassait les toits des maisons … Maintenant, elle se trouve encastrée en plein milieu d’un océan de gratte-ciel qui la font paraître minuscule. Nobles bâtiments un peu austères : On y conserve le souvenir des religieux et des religieuses qui firent ce pays : Murs de granit, fenêtres hautes à double vitrage. Nous logerons à l’hôtel … Dans le même hôtel que les joueurs d’une équipe de hockey sur glace qui bambocheront toute la nuit … Comment peut-on jouer un match le lendemain d’une semblable nuit ? Pour notre part, nous ne dormirons guère.  Cela m’aura du moins permis d’apprendre qu’il y aura le lendemain un match à ne pas manquer : Les « Canadiens » contre « Moscou » ! Il paraît que le match devrait être splendide et le stade est à deux pas : J’irai découvrir le hockey sur glace au « Forum ».











Je suis entré. J’ai dû rester debout derrière une balustrade qui m’arrivait à la poitrine. J’ai entendu … J’ai entendu crier, j’ai entendu chanter, j’ai entendu taper des mains, j’ai entendu taper des pieds. Il y avait aussi des sifflements, il y avait des hurlements. Tout en bas des gradins, au fond de l’arène, il y avait des géants bardés d’épaulettes, protégés par des cuirasses, des matelas, des casques … Ils étaient armés de crosses qui semblaient être de bois. Ils se battaient pour s’emparer d’un tout petit palet, lequel glissait, courait sur la glace. Le but des manoeuvres paraissait être de coincer l’adversaire, le plus violemment possible, pour l’envoyer valdinguer contre la rambarde. Le choc  produisait alors autant de bruit que l’abattage d’un arbre. On comprenait pourquoi les géants étaient cuirassés, casqués … Le public s’enflammait, se levait, chantait, agitait des drapeaux et des bannières. De temps à autre, l’arbitre devait estimer que le choc n’avait pas été loyal : Pour le punir, il envoyait alors le coupable « en prison » pour quelque temps … Le public sifflait.
L’étonnant, c’est qu’on se laisse prendre à tout cela : J’ai moi-même crié avec le public et j’ai tapé des pieds … Parfois, il arrivait que le palet finisse sa course au fond des buts … Mais était-ce bien là le but de toute cette agitation ?
Les « Canadiens » ont gagné  … Allons, nous aurons encore une nuit mémorable à notre hôtel !


Montréal, c’est aussi le parc du Mont-Royal, deviné, puisque lui aussi  nivelé par la couche de neige, mais on y voit beaucoup d’arbres dénudés et des douzaines de petits écureuils descendent jusqu’à vous pour quêter quelque subsistance.






















Les églises sont baroques, lourdement ornées. Où sont-ils, ces fidèles que j’imaginais nombreux dans cette « Belle province » ?  Leurs rangs se sont taris, comme le nombre des enfants a diminué dans les familles. Il n’était pas rare autrefois de trouver des familles avec dix ou quinze enfants, elles n’en comptent maintenant guère plus de deux. Il est peut-être là, le danger le plus évident pour les Canadiens français : Leur société n’est plus en expansion démographique. On le sent bien, d’ailleurs, quand on visite des établissements scolaires : Les effectifs diminuent, le personnel se raidit devant les risques de fermetures de postes. J’avais cru le système scolaire canadien beaucoup plus souple que le nôtre. En fait, la souplesse n’existe que sur le papier. Les syndicats d’enseignants sont devenus très forts :

- «  Je ne peux pas vous recevoir, m’annonce un directeur d’école primaire : Le délégué syndical n’est pas là … »

Ma visite avait pourtant été annoncée par les services du Ministère.
























Je traverserai toute la région du lac Saint-Jean, dont les élèves ne vont pas à l’école depuis quarante jours, à cause d’une grève des conducteurs d’autobus scolaires :Il n’y a donc pas que les enseignants qui soient inquiets ! Notons que tous les autobus de ramassage scolaire sont peints en jaune, leur apparence et la fréquence des mouvements de grève qui les paralyse les ont fait surnommer « Le Péril Jaune » !

Autre indice de l’évolution des mœurs québécoises : Tout au long des avenues, le nombre de sex-shops que l’on rencontre est incroyable ! À cette époque, me semble-t-il, il n’y en a pas autant en France.
Diminution du nombre d’enfants dans les familles, désertification des lieux de cultes, floraison des sex-shops … Maria Chapdelaine, où es-tu ?



Je recommande les steaks houses, les grillades sont excellentes et gargantuesques, les darnes de saumon aussi. Mais … si vous voulez un bon café, Il vous faudra, comme moi, arpenter toute la ville … Si, si ! J’ai fini par trouver un bar italien dans lequel on m’a servi un bon expresso ! Mais partout ailleurs, vous aurez droit à un liquide pâle, servi avec une cafetière en pyrex que l’on maintient au chaud tout au long du jour sur une plaque électrique !















L’emblème du Québec, c’est le drapeau à fleurs de lys. Son symbole, ce pourrait être le poêle en fonte : Vous savez, le poêle rond, chauffant au bois. On ne peut plus imaginer à notre époque ce qu’à pu comporter d’héroïsme la vie des premiers Canadiens : Maisons de rondins, fourrures et poêle à bois. Le poêle, c’est la survie de la famille et le trappeur solitaire, même, se déplace avec son poêle d’une cabane à l’autre, quand il va relever ses pièges.

Nous passerons à Trois-Rivières où se louent encore des cabanes plantées sur la glace du lac. Dans la cabane, il y a un poêle, et un trou a été creusé dans la glace épaisse pour que vous puissiez y tremper vos lignes. Traditionnellement, je crois qu’il est prudent d’apporter de quoi boire : Du sec, car il fait bigrement froid ! Il ne me sera pas donné d’aller à la pèche à Trois-Rivières, mais j’aurai l’occasion d’y aller sur le lac Saint-Jean, tout près de Chicoutimi.

























… Chicoutimi … Inoubliable ! D’abord parce que l’autobus qui vous y conduit traverse des régions aux noms de rêve : Saguenay, Laurentides …
Et puis parce que, si vous avez la curiosité de consulter l’annuaire téléphonique, vous vous apercevrez que la totalité des habitants, en tout et pour tout, arborent trois ou quatre patronymes … Tellement de chez nous ! On les croirait sortis d’un roman paysan : Jolibois, Charlebois, Tremblay … Pourquoi faut-il que j’aie oublié les autres ? Ils chantent en ma mémoire profonde  qui les retrouve parfois.

Autre élément de poésie : Les panneaux de signalisation routière qui signalent le paisible passage de l’orignal, ce grand élan des immensités neigeuses dont on dit qu’il gratte le sol avec ses sabots pour trouver les mousses sous la neige.

- « Oh ! Ne croyez pas qu’il y en a tant que ça ! Je pense, me dit un ami québécois, qu’on a dû planter un poteau chaque fois qu’un orignal a traversé la route ! » … Pour ma part, je n’aurai pas la chance d’en apercevoir, mais cela ne fait rien : J’aurais pu apercevoir un orignal, vous vous rendez compte !












Les Laurentides ? C’est le massif montagneux que l’on fréquente pour ses stations de sports d’hiver : Je ne les apercevrai même pas : Chutes de neige limitant l’horizon, champs de neige qui recouvrent tout, nivellent tout : Plus de vallons, plus de rivières, plus de lacs, beaucoup de forêts de sapins dont on ne devine que l’orée, tranchée par la route. Mais où donc cultive-t-on le blé ? Où donc pâturent les troupeaux ?  On peut se poser des questions lorsqu’on sait la longueur des hivers. Ce pays, pourtant, produit du blé, produit du lait … Allons, l’homme a su s’adapter partout. Les érables, dont la feuille orne le drapeau canadien et dont les immensités, rousses en automne, embellissent les affiches des compagnies touristiques … Il me faudra revenir en une autre saison !

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