lundi 11 janvier 2016

L'ATOLL





L'ATOLL


















UN ATOLL POLYNÉSIEN










Des atolls, il y en a qui sont tout petits. Vus d’avion, on dirait qu’un ange a laissé tomber une alliance sur l’eau. L’île Maria, quand on va vers l’archipel des Gambier, est un anneau parfait. Son lagon est versicolore. De temps à autre la goélette mouille son ancre près de chaque atoll pour embarquer la récolte de coprah. Si l’océan est trop profond pour qu’on puisse y mouiller une ancre, le bateau fait des ronds dans l’eau pendant que les chaloupes font le va et vient.


























J’ai souvenir d’un agent payeur chargé des rémunérations des fonctionnaires insulaires : La chaloupe ayant chaviré, il s’était retrouvé à la nage et la mallette au trésor était partie par deux mille mètres de fond !

Mais sur ces petits atolls, il n’y a pas de résidents permanents. On n’y vient que pour la récolte. L’atoll dont je vais vous parler est tout petit, mais il est habité toute l’année et ceci depuis longtemps. Il y a eu deux familles, installées ici depuis des lustres et des lustres. L’une demeurait à l’extrémité sud de l’atoll, l’autre à l’extrémité nord. Je ne connais pas l’histoire de ces deux familles, toujours est-il que le temps a passé ... Il ne reste plus, au sud, qu’une vieille dame, seule, bien vieille. Au nord, il ne reste plus qu’un vieillard, bien vieux. Il faudrait connaître leur histoire pour savoir pourquoi ils sont fâchés : Ils ne se parlent plus, ils ne se voient plus, ils ne se rencontrent plus ... Et il n’est pourtant pas facile de s’éviter, sur un atoll si petit ... Il faut y mettre du sien!


























Bien entendu, sur l’île, il n’y a pas d’eau, pas plus que sur toutes les îles ... Il y a une ancienne citerne en béton, que les hommes de La Légion Étrangère ont construit, il y a longtemps ... Du temps où les deux familles n’hésitaient pas à se rencontrer. Cette citerne collecte les eaux de pluie, qui ruissellent sur son toit de tôles. Il manque d’ailleurs des tôles : Elles ont rouillé et puis le vent les a plus ou moins arrachées, un jour où la rude halène d’un cyclone a soufflé.

























Le vieux, la vieille, vont jusqu’à la citerne, quand ils ne peuvent pas faire autrement. Mais alors, qu’il s’agisse du vieux, qu’il s’agisse de la vieille, on emmène le chien avec soi. Car il y a un chien sur l’île : Un grand diable de chien efflanqué. C’est le seul qui n’a pas été mangé (Si, si, on mange les chiens !). Il n’a pas été mangé parce qu’il rend des services : Quand on va jusqu’à la citerne, on emmène le chien. Il fréquente indifféremment l’un et l’autre des habitants et, semble-t-il, il n’a rien à faire de leurs vieilles querelles. Mais quand on va à la citerne ... Si “l’autre”y est déjà, le chien se met à japper. On sait alors que ce n’est pas le moment d’y aller ! Quant à sa nourriture ... Quand il ne pêche pas assez de poissons sur le récif, (car les chiens savent pêcher dans les reflux!) il fait le chemin entre le Nord et le Sud, le chemin qui est sa trace et n’est rien d’autre que sa trace : C’est lui qui assure la seule liaison entre la vieille et le vieux! Et cela fait des années que cela dure ! Ne me demandez pas le nom de ce petit atoll, je l’ai oublié. Je le regrette. Les deux vieillards sont-ils toujours là ? Et le chien ?








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire