SEYCHELLES
DES OISEAUX
Comment imaginer le bonheur sans un arbre, sans les feuilles,
sans les fruits, sans les fleurs, sans les oiseaux ? – Jean Ferrat a chanté
cela. Ici, les arbres portent de petites fleurs blanches et tout à la fois les
coupes des tulipiers, les pompons des dahlias, les roses en bouton et les roses
épanouies, les longs cornets des droséras, les flammes des glaïeuls, les
houppes des coccolobas ou « raisins-bord-de mer ». Les feuilles sont graciles
et roses ou bien larges et luisantes ainsi que celles des magnolias. Comment
imaginer plus pure merveille que la miraculeuse ébénisterie de la pomme du
mahogani, ses graines ailées logées entre les écailles qui s'ajustent et
s'emboîtent? ...
L'air sent la cannelle, la giroffle, le cèdre et le mimosa. Il
faut imaginer des rameaux chargés tout à la fois de sapotilles, de prunes et de
pommes, de mangues, de cerises, de letchis, d'oranges, d'abricots et de noix
... La brise dans les branches et dans les feuillages joue des musiques très
douces. À cinq heures, dans l'après-midi, on tape dans ses mains,
vigoureusement, comme pour appeler quelqu'un. Le bonheur alors se complète.
Il arrive très vite, dans un froissement de rouges et d'orangés.
Centaines d'ailes qui battent. Centaines d'oiseaux, cousins des serins, libres,
venant nous voir car tel est leur bon plaisir, nous faisant la grâce d'une
visite. Vous leur lancez deux poignées de riz sur la terrasse. Ils se posent
avec de petits cris de joie.
Joie ... C'est la joie qui bat des ailes, écarte les queues en
éventails, déplie les petites pattes, ouvre les doigts. La plupart de ces
oiseaux sont rouges, avec le ventre dans les tons orange vif. Certains ont la
plume verdâtre, d'autres, plus rares, sont tout à fait jaunes comme les canaris
de vos volières. Ils viendront picorer jusque dans le creux des mains, lestes,
prompts, attentifs. Habituellement ils vont en bandes et on ne les voit venir
qu'en fin d'après-midi. Il arrive souvent pourtant qu'un vieux mâle vienne se
poser sur ma fenêtre aux heures les plus chaudes. Il rentre dans la cuisine. Il
est chez lui. Sur la table, il sait qu'une tranche de pain a été disposée à son
intention. Je n’en jurerais pas, pendant que je le photographie ... Je crois
bien qu'il n'attendait que ça !
À cinq heures, les serveuses du restaurant de l'hôtel commencent
à disposer les couverts et à préparer le buffet libre-service. Les oiseaux sont
là, perchés sur les dossiers des chaises. Dès que les dos seront tournés, ils
viendront planter leur bec dans la chair des papayes et autres fruits ...
Couvrez, couvrez les plats et les mets qu'ils contiennent, les oiseaux arrivent
! Ils sont là, pendant le repas, prudents, mais néanmoins effrontés assez pour
demeurer à faible distance. Ils font le bonheur des convives. Dès que les
chaises ont été tirées, ils se reforment en vol serré et ils se posent sur les
tables. Le bonheur est là. Les arbres sont toujours verts. Il y a toujours
quelque part quelque fleur épanouie. Il y a toujours, pendu à une branche ou à
une autre quelque fruit à peau de velours ou à peau de cuir.
L'air sent le patchouli, la vanille, la cannelle, la girofle. Il
y a des centaines d'oiseaux qui pépient en battant des ailes, des oiseaux
libres et sans crainte ... Le bonheur selon Saint François d'Assise qui parlait
aux oiseaux ! ... C'est tout près de la ligne équinoxiale, c'est aux îles
Fortunées, c'est aux îles Bienheureuses, c'est aux îles Saint Brendan, aux îles
d'Ophir, aux îles du Brazil, c'est aux Seychelles, les îles d'or, d'émeraude et
de saphir ! ...
« ON RACONTE ENCORE, SIRE, Ô ROI BIENHEUREUX, QUE SINDBAD DE
LA MER, APRÈS S’ÊTRE ENTENDU AVEC LE CAPITAINE ET AVOIR LOUÉ UNE PLACE À BORD,
QUITTA L’ÎLE AVEC SES NOIX DE COCO ET TOUT SON BIEN … »
( Les Contes des Mille et Une Nuits )
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