samedi 8 avril 2017

LE FEU ...



LE FEU …





 






_" Nous déversons une énorme quantité d'eau :

On nous en fait parvenir depuis le pont et j'y fais

ajouter celle qui était dans les barriques de la cale,

 normalement prévue pour notre consommation :

On roule les fûts et on les défonce sur place. Le feu

 s'étend, s'étend toujours ! Plus le torrent déversé

est important, plus le feu augmente. Les flammes

jaillissent de tous les côtés.




 





_" Bientôt il nous faut évacuer la cale : La fumée

nous asphyxie. Remonté sur le pont, je fais fermer

 les écoutilles, les dromes et même les sabords de

la chambre. Tout le monde s'active avec ardeur.

Tout à coup, je regarde devant moi : Le feu s'est

frayé un passage par la braie du grand mât ...

Il prend à l'amure de la grand-voile et, en moins

de temps qu'il n'en faut pour le dire, il s'élance

dans le gréement. Pour comble de malheur,

l'équipage, composé de Lascars, se met à

désespérer et se lamente en baissant les bras.

Les noirs créoles, ceux sur lesquels je croyais

pouvoir compter le plus, poussent des cris aigus,

des plaintes déchirantes ...




 





_"Ah ! Monsieur ! Quel affreux tableau ! Je

m'étonne encore, en ce qui me concerne, d'avoir

gardé, très claire, la notion de ce qui était mon

devoir ... Mon devoir ... C'est à lui seul que je

pensais ... Hurlements des hommes, crépitement

des flammes, sourd fracas causé par les ravages

de l'incendie à l'intérieur du bateau ... Oui,

Monsieur, j'étais bouleversé ... Mais je restais

calme. Mon âme était déchirée, mais ma pensée

 demeurait calme, libre et froide.























_" Après un instant de réflexion, je décidai de

faire mettre la chaloupe à la mer avant que les

mâts, consumés à leur emplanture, ne s'écroulent.

 Nous chargerions sur l'embarcation tous les vivres

 qui nous tomberaient sous la main et nous la

filerions le plus loin possible derrière nous afin de

 la mettre en sécurité. Je ferais ensuite saborder le

bateau pour le couler et, grâce aux balles de coton

qui flotteraient et aux débris de la mâture, nous

construirions un radeau pour les gens qui

n'auraient pas pu avoir de place dans la chaloupe.




 Publication sous le nom Michel Savatier    


 

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