jeudi 13 avril 2017

NOUS N'ÉTIONS PAS AU BOUT DE NOS AVENTURES ....




NOUS N’ÉTIONS PAS,

CEPENDANT, AU BOUT

DE NOS AVENTURES …







_" Le cinq août, à cinq heures du matin, le vent

cessa de souffler, aussitôt, nous couchâmes les

mâts que nous avions remis en place la veille au

soir. Nous nous mîmes aux avirons, mettant le cap

au sud pour monter en latitude. Je fus parmi les

premiers à prendre les avirons, avec le Second et

 quelques passagers. Ensuite, à tour de rôle, chacun

 se mit à ramer de bonne grâce. Un passager, un

seul, refusa de ramer, prétendant ne pas savoir s'y

 prendre parce qu'il ne l'avait jamais fait ... Je lui

demandai de se placer auprès d'un rameur et, au

moins, d'essayer de l'aider ... Il refusa de nouveau

... Je lui dis résolument que, puisqu'il ne voulait

pas nous aider, il nous était impossible de garder

parmi nous une personne aussi inutile

qu'embarrassante ... Je le menaçai de le faire jeter

à l'eau ... A l'instant, il saisit un aviron, et s'en

débrouilla aussi bien que les autres !














_" Notre observation de midi nous donnait une

augmentation de quatre milles en latitude.

Monsieur Lesage procéda à la distribution d'eau ...

 Chacun en reçut un boujaron. On tua deux

moutons, dont le sang fut recueilli dans un pot

que vidèrent avec avidité plusieurs personnes.

La chair fut partagée de façon équitable. On la

mangea crue.





-"Malgré ces périls et malgré ces angoisses, l'amour

 parvenait encore à trouver sa place. Mademoiselle

Palmas était très attachée à Monsieur Moreau,

notre Second ... Nul ne l'ignorait. Bien qu'elle fût

elle-même très affaiblie par la faim, je la vis obliger

 celui-ci à accepter la moitié de sa ration d'eau et la

 moitié du pain qu'elle avait reçu.












_" Monsieur Moreau repoussa cette offre, mais je

crus cependant devoir intervenir dans ces délicats

 débats en déclarant que quiconque recevait une

ration était tenu de la consommer ou de la restituer

 à Monsieur Lesage afin d'augmenter la part

commune.

_" Nous recevions parfois du ciel quelques secours

 inespérés ... Des poissons-volants, poursuivis par

des bancs de bonites ou des dorades fendant l'air

et, heurtant nos voiles, retombaient dans le bateau

 ... Ils devenaient, de droit, la propriété de celui qui

 s'en saisissait le premier. Ce soir-là, c'est moi qui

fus favorisé : Un fou s'était imprudemment posé

sur l'espar qui nous servait de gouvernail _

Je réussis à l'attraper _ J'en bus le sang et je

partageai la chair avec le Maître d'équipage.

_" Le six, le temps était beau et nous avions gagné

38 minutes en latitude depuis la veille. Monsieur

Lesage nous distribue notre ration d'eau et notre

part du troisième mouton, que nous avions tué et

qui fut mangé cru comme les deux premiers.

Le manque de sommeil nous faisait cruellement

 souffrir. Après beaucoup d'essais et avec beaucoup

 d'efforts, nous avons fini par trouver une solution

... Tout le creux du bateau était occupé par les

marins et les passagers, le tillac l'était par les

femmes et les enfants ... Sur les trois bancs de

l'arrière nous étions installés : trois des passagers,

 le Second, le maître d'équipage qui tenait la barre

et moi-même. Les jambes repliées, le dos sans

appui, nous étions obligés, pour soulager

l'inconfort de notre posture, d'appuyer notre tête

tantôt sur les genoux

du voisin, pendant qu'il posait la sienne sur notre

dos, tantôt de nous étreindre à bras-le-corps

comme lorsqu'on s'embrasse et de placer notre tête

 sur l'épaule l'un de l'autre. Pitoyable repos,

continuellement troublé, interrompu sans cesse,

à chaque secousse infligée par les vagues à notre

bateau ! Aussi nous faisions d'affreux cauchemars

... Tant d'affreux cauchemars

 que l'insomnie nous paraissait encore préférable au

 sommeil!












_" Le sept le temps était toujours beau. Les vents

étaient toujours favorables. En frottant deux

morceaux de bois l'un contre l'autre, nous

réussîmes à faire du feu ... C'était un événement

 considérable ! Nous apportâmes tous nos soins à

la conservation du feu. 












_" Il fut placé dans la seule marmite que nous

 possédions. Nous l'alimentions avec le bois que

nous arrachions aux caissons de la chaloupe. Nos

deux petits cochons furent immédiatement saignés

 et débités en tranches. On les fit cuire en les

appliquant sur les parois extérieures de la marmite. 

_"La joie revint parmi l'équipage. Elle releva

quelque peu leur moral, que tant de calamités

avaient abattus. Je vis un marin tirer sa pipe, qu'il

 avait conservée précieusement, et la fumer avec

un plaisir que seul un fumeur peut comprendre ...

Nous n'étions pourtant pas au bout de nos

aventures ...







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