dimanche 30 avril 2017

PÉLERINAGE AUX SEYCHELLES





UN PÉLERINAGE ...



                                                         Aux Seychelles ….








 



Il y a occasion de s'enrichir beaucoup, là où

s'assemblent les hommes, et il y a beaucoup à

penser aux actes de foi. C'est pourquoi je conterai

cette histoire ...


Elle débute au moment où se lève Jeanne d'Arc,

( oui, ici, c'est un prénom fréquent ...)

Jeanne d' Arc va sur ses soixante douze ans ...

On ne saurait parler de printemps sous ces

latitudes ... Sa jambe est bonne, encore qu'elle

grippe un peu. Et qu'importe si l'échine n'est plus

tout à fait droite ...

Elle passe sa robe à mille fleurs. Ce n'est pas la plus

 belle, mais elle est légère, et puis, le col blanc, bien

 repassé et amidonné a de l'allure encore. Après

avoir bu une tasse de thé, grignoté un biscuit,

Jeanne d' Arc se coiffe d'un chapeau blanc à larges

bords : Celui du dimanche. Elle saisit son bâton :

Un bambou sec et noueux, prend dans l'autre main

 son réticule et son missel. La voila partie chez Jean

-Baptista, ( Mais oui ! ).















C'est là, juste à deux pas ... Jean- Baptista achève

de chausser ses souliers plats. Elle doit avoir à peu

près le même âge que son amie. Son visage est d'un

 brun sombre, creusé des longs sillons que tracent

au long de toute une vie les labeurs et les peines.

Elle ajuste ses lunettes, met , elle-aussi, son

chapeau blanc. Le rendez-vous est à huit heures,

en haut du col de "Sans-Soucis".




Il y a déja là toute une suite de voitures, rangées à

la vaille-que-vaille, au bord de la route étroite.

Jeanne d'Arc et Jean-Baptista sont arrivées, elles,

en autobus. Au moment où elles mettaient pied à

terre, un camion rouge déchargeait une pleine

benne de jeunes-gens rieurs.













Il fait chaud déjà : Les lunettes sont essuyées au

revers de la robe. On s'engage sur le raidillon.

Il est embroussaillé, étroit, et râpeux : Un vrai

sentier de chèvres ! Les enfants y courent, les

jeunes-gens le gravissent d'un pas déhanché, avec

la démarche balancée que donne l'habitude des

pentes raides. Certains transportent des postes de

radio, portés à pleins bras. C'est par bouffées, au

détour du chemin, que parviennent des bribes de

 chansons françaises.

Les vieux sont plus lents, bien sûr, mais le bâton

trouve son appui, le pied trouve son assise. Il y a

toujours une main secourable qui se tend aux

dénivellations les plus ardues. Jeanne d'Arc et

Jean-Baptista, je crois bien, chantent un cantique.

A-t-on grimpé pendant une heure, un peu moins ?

Les canneliers embaument. De ci- de là, un agave

s'accroche au rocher, acéré. Quelques fleurs

mauves font taches sur le granit gris. Un, deux

blocs énormes, plissés, tels des éléphants couchés.

Il faut les contourner. Le granit s'est figé là il y a

des millions d'années. La fausse-vanille l'enserre

du réseau de ses lianes sans feuilles.

Depuis longtemps déjà on a dépassé les grands

albizias. On émerge tout à coup, ébloui : La mer

envahit l'espace, montant à la verticale, jusqu'à

Praslin, jusqu'à La Digue, et Cousine, et l'île Aride.

Il n'existe nulle part un tel rétable, nul vitrail

n'offre de semblables couleurs. Les glacis tombent

à pic, lisses comme sucre coulé, scintillants de

micas et de cristaux. Des arbres nains se

cramponnent, pareils à ceux des jardins japonais.

Erigées là par on ne sait quelles épouvantables

forces, les roches forment entassement,

accumulées, bousculées, droites ou de guingois.

On s'assoit où l'on peut. Jeanne d'Arc s'évente avec

son chapeau. La scène est biblique, faisant songer

au Sermon sur la Montagne. Jeunes nu-tête,

couleurs des robes, hommes en bras de chemises

et le prêtre a le teint cuivré ... Il porte une soutane

longue. Tout en bas la ville, ses bâtiments neufs,

ses maisonnettes en bois grimpant dans la verdure,

 sa jetée, les bateaux, l'aéroport à droite, et les

remblais gagnés sur la mer, et les petites îles de la

rade...




 







Un cantique s'est élevé et je crois bien que tout le

monde l'a repris. On se compte par centaines

maintenant. Combien de centaines ? _ Peut-être

quatre, peut-être cinq ...



Le pic sur lequel on se trouve est l'un de ceux que

l'on appelle "Les Trois Frères", le plus petit, le plus

au sud. Il y avait là, érigée en mille neuf cent

cinquante six, une croix de bois. Chaque année,

pour le Vendredi-Saint, la jeunesse montait

nettoyer la croix et la repeindre. Le temps, les

insectes, les pluies et les vents ont fini par en avoir

raison.










Aujourd'hui, c'est Vendredi-Saint.

Un vrombissement, comme le ronflement d'un

orgue qui enfle, approche, s'amplifie encore : Un

hélicoptère monte à la verticale et parvient à

hauteur de la foule. Pendant en-dessous, au bout

d'un câble, une immense croix de béton tourne

lentement sur elle-même. Au souffle des rotors,

chacun se courbe, puis se redresse : L'hélicoptère

est maintenant stationnaire. Manoeuvre parfaite :

La croix est en place dans son trou. On y coule du

béton ... On cale, en attendant la prise.



Le père Lafortune, ( Ce nom ne s'invente pas ! ) se

dresse plus haut que tous et bénit la croix. De ses

quatre mètres, elle domine la roche, à six cents

mètres au-dessus de la ville et des flots. On doit la

voir de très loin, quand on vient par la mer









... O ! Foi ! Qui se perd ici, se conserve là, ressurgit

ailleurs ou bien flambe ! - Ira-t-on, dans ce pays

qui se dit marxiste, dès l'an prochain, en

procession, repeindre la croix au jour du Vendredi


-Saint ?

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