samedi 1 avril 2017

VERS COMPOSTELLE ... ARLES



Tu marches sur les os du temps …




La ville tragique a disparu dès le premier tournant. Le mas qui gère la manade se nomme le mas des bernacles. Passent canards en vol. Fleurissent les aigrettes blanches. Le héron est aussi immobile qu’un bois mort. Va ! Passe les ponts ! La voie solitaire rectiligne est sûre : Un fossé à droite, un fossé à gauche, des barrières et des clôtures. On a fauché les roseaux. Il pleut, ou plutôt il bruine, et cela suffit sans doute pour laver les avant-hier sur ton visage et sur tes mains. Tu pars vers des aubes plus anciennes, sans doute pour de nouveaux lendemains. Va ! D’autres sont passés avant toi, beaucoup d’autres, et d’autres encore passeront, sac au dos, le cœur ouvert. Tu n’es pas d’ici, va donc voir ailleurs !



Où donc, si ce n’est là-bas où se dresse je ne sais quoi de blanc, château d’eau peut-être, ou bien silo? … Un clocher encore ? Dans cette contrée fluviale, bateliers et rouleurs ont bâti des sanctuaires de pierre. Allons, va, longe les canaux de béton, traverse ponts et passerelles. Ce n’est point là ton domaine : Ici se sont établis les marchands de fruits, marchands de céréales, marchands de vin. Tu n’es pas établi : Va plus outre dès demain, dans le petit matin ! … C’est toujours au petit matin que s’ouvrent les fleurs.


Tu chemines sur les os du temps, anguleux et durs. La borne milliaire n’est pas une limite, elle compte les pas… Il faut la dépasser, elle est là pour ça. Les chars romains ont creusé de profondes ornières sur les dalles, autre mesure du temps ! Il faut remonter encore plus avant, fouler les thyms en fleurs, les romarins, passer entre les près où piaffent les chevaux gris, longer les ruchers actifs, les vergers empanachés … Essaie de ne pas trop approcher la blessure de l’autoroute, évite les contrées envahies par les zones industrielles et commerciales et, si tu dois cependant t’y aventurer, fais-le en chantant. Cela fait partie du jeu, cela et le goudron… On finit par s’en extraire, va !


Mais la ville est là, monstrueuse, sillonnée en tous sens par des véhicules clos de toutes formes, de toutes tailles, bruyantes et sourdes. Vois ce qu’il y a à voir, peu de choses au reste, mais certaines admirables. Le plus vite possible, sors de là !



Je sais qu’un enfant assoiffé est passé par là. Il a échappé aux pendaisons et aux fusillades. Ses poches sont pleines de cailloux et ses poings sont fermés. Sale gosse ! Il a usé ses semelles sur les ossements qui jonchent tous les chemins du monde, crachant vers le ciel des blasphèmes et des injures : Autant de cris d’amour ! Il va droit devant, marchant vers des palais de cristal que l’instant détruit l’un après l’autre, dès le franchissement des portes : Tordeur de chaînes, porteur de torche, allumeur d’images … As-tu vu le lac bleu dans la vallée ?








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