LA MARIE-JEANNE
( SUITE)
_ XXIII _
Trois pannes de carburateur ... Et la nuit
arrive..
La
mer est très dure ... On est presque arrivé,
mais il faut encore doubler la Pointe
Chevallier
pour aborder à Côte d'Or ... Y Arrivera-t-on
cette nuit ? ... Rien à faire pour Y entrer
: Les
vents sont contraires et trop durs ...
C'est à Baie-Sainte-Anne que l'on entre ...
Il est minuit.
Il est minuit ...
Le bateau mouille à Baie-Sainte-Anne.
On l'amarre. Tout le monde est fourbu. On
est
accueillis chez Morley Green : On n'ira pas
plus
loin ... Il faut se reposer jusqu'au matin.
Deux
jeunes gens, néanmoins, partent à pied
jusqu'à
Côte d'Or ... C'est une trotte !
_ XXIV _
Le lendemain matin ...
Le lendemain matin ... Celle que l'on est
venue
chercher refuse de partir : La mer est trop
dangereuse ! ... Il était bien inutile de
prendre
tant
de peine ! Il ne reste plus qu'à rembarquer
pour
regagner Mahé, ce que l'on fait sans
crainte malgré le vent qui continue à
souffler
avec rage. Quatre personnes de plus montent
sur le bateau : deux femmes, Ange Finesse et
George Arissol, Jules Lavigne, le frère
d'Auguste,
et un cuisinier du nom de Joël Rondeau.
Il est neuf heures lorsqu'on appareille ...
_ XXV _
Il est neuf heures lorsqu'on se prépare à
l'appareillage ... Les cloches sonnent ...
_ " Et la messe ? ... C'est dimanche
... "
Bien peu de Seychellois manqueraient la
messe
du dimanche ... C'est l'occasion où tout un
peuple se retrouve dans ses églises. C'est
le
moment de célébration de la fraternité, de
remerciement pour les bienfaits du soleil,
pour
les dons de la terre et de la mer, pour la
mansuétude du ciel dont les ouragans
épargnent l'archipel ... La messe, c'est le
moment de la communion avec les siens : ceux
du temps passé, dont les vies furent dures,
ceux
du
présent, dont la volonté et l'espoir font
augurer d'un avenir meilleur sans doute.
La messe est dite en Français, langue-mère,
mais le prêtre, parfois, prêche en langue
Créole,
véritable langue des îles. Les enfants sont
venus en marchant sur le sable de la plage,
portant à la main leurs souliers vernis.
Les petites filles ont des robes mousseuses
colorées, les petits garçons portent pantalons,
chemises à manches et noeuds papillons.
Sous la nef ornée de bois précieux les
hommes
se rangent d'un côté, les femmes de l'autre
...
_ XXVI _
_"Allons-nous partir sans entendre la
messe?"
_" Mais nous ne pouvons pas y aller
comme
cela ! ... Aucun d'entre nous ne porte des
habits
convenables ... "
_"C'est certain ... En quittant Mahé,
aucun
d'entre nous ne pensait qu'il pourrait ne
pas
être rentré pour assister chez lui à la
messe du
dimanche ..."
Les cloches sonnent leurs derniers coups ...
Il est trop tard maintenant ... Et puis, on
a tout
simplement grande hâte de s'embarquer et
cela
se comprend ...
Les amarres sont larguées. Le vent souffle.
La mer est forte. Le bateau, cependant, fend
les
flots courageusement et sans difficulté.
Les passagers, pour la plupart d'entre eux,
sont
restés sur le pont : On est tout de même
mieux
au grand air ! Les uns se protègent du
soleil,
tous se tassent quelque peu afin de
maintenir
l'équilibre. On rit lorsque les embruns
fouettent
les
visages. On approche de la petite île appelée
"Mamelles", située à mi-chemin entre
Praslin
et Mahé ... Quelques oiseaux de mer y ont
trouvé refuge : des "fouquets" et
des sternes,
quelques fous aussi ...
Arrêt brutal ... Il n'y a plus assez de
carburant
dans le réservoir ! Il en reste dans un
bidon, le
dernier bidon ... Transvasement ...
Le mécanicien fait démarrer le moteur ...
Embrayage ... La chaîne saute et sort de ses
engrenages ... Deuxième essai ... Même résultat...
Passage en troisième .... La chaîne saute
encore
... En seconde, cela va, mais le moteur
consomme beaucoup d'essence ...
La route se poursuit ... Il ne reste que peu
de
chemin à faire ... Voici l'île Sainte-Anne
et
l'embouchure de la passe pour entrer dans le
lagon ... Le port de Victoria est là, juste
devant...
On y
est presque ... Dans le lagon, on sera à
l'abri ...
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