dimanche 23 juillet 2017

LA MARIE-JEANNE ( XXXVII À XLI )







LA MARIE-JEANNE

                     Suite : XXXVII à XLI







_ XXXVII _



Ardentes recherches, vaines recherches dans le grand océan,

 parmi les archipels et les îles ... On cherchera jusqu'en enfer

s'il le faut ... On retrouvera les disparus, côute que coûte ! Les

 bateaux sillonnent les flots, les hommes guettent l'horizon ... 

l'océan à deux reprises : La première en direction de sud-

ouest, la seconde en direction du nord et du nord-est ... 

Aucune trace de la "Marie-Jeanne". _ Que faire de plus ? 

_ Attendre ... Attendre ... Encore attendre ! ... Laisser les 

événements suivre leur cours, malgré la désolation des 

familles concernées ... Une quête en leur faveur rapporte un 

millier de roupies ... 









_ XXXVIII _





Mais le conteur revient aux malheureux ballottés par les flots

 ... Ils sont toujours assoiffés. Ils sont affamés. iIs sont 

desséchés, brûlés par le soleil ... Ils sont hébétés, abrutis par 

tant de souffrances ... Ange Finesse a été la première à rendre

 son âme à Dieu, George Arissol est, à son tour, couchée dans

 la cabine de l'avant ... Elle ne bouge plus ... Des sons plaintifs 

s'échappent de ses lèvres blêmes et étirées ... Bientôt le 

sommeil l'envahit, le même sommeil annonciateur de la mort

 que celui qui fut celui de sa compagne tout à l'heure ... Elle 

s'éteint. 









Ange Finesse est morte la première, George Arissol l'a suivie

 ... Les survivant procèdent aux mêmes rites funèbres que la 

première fois ... Un second cadavre est jeté à la mer ... Qui 

pourrait jurer qu'aucun de ceux qui demeurent n'envie le sort

 de celles qui s'en sont allées ...




_ XXXIX _





_ "Lorsque tu prends la route des Canelles, partant de l'Anse

 Royale ... Parvenu tout en haut, après les virages surplombés

 de plantations de grands mahoganis, tu quittes la route, tu

 t'engages sur un petit chemin, à ta gauche ... Sentier à peine 

assez large pour passer à pied, contournant les rochers de 

granit, escaladant la colline par des voies abruptes et 

périlleuses qui étaient autrefois celles des collecteurs 

d'écorces odorantes destinées à l'exportation dans le monde 

entier ... Sentier qui glisse parfois et dont les cailloux roulent 

sous le pied ... Arbustes torturés, juchés sur des pieds 

multiples ... Larges feuilles luisantes, fougères foisonnantes ...

 Terre rouge semée de petits cristaux ... Rude escalade, mais

 tu emplis tes poumons ... Exaltante escalade ... Et puis tu 

débouches sur une terrasse étroite : À peine la place pour s'y 

tenir à deux, blottis sous la roche ... Tu débouches en plein 

ciel, d'un bleu que rien ne vient troubler ... L'océan est violet 

... Des oiseaux blancs vont par couples, évoluant comme à la

 parade : virages , montées, descentes coordonnés ... D'autres

 oiseaux blancs, les paille-en-queue, ainsi nommés à cause de

 la longue plume caudale qui les distingue, jouent aux cerfs-

volants, s'engageant dans les courants ascendants, se laissant

 enlever, emporter, frôlant la falaise puis basculant sur une 

aile pour continuer à planer ... La côte en face, là où tu 

plonges tout entier est celle de l'Anse-à-La-Mouche. À ta 

gauche, c'est l'Anse-Poule-Bleue ... Ces mots ! Ces noms

 rappelant la geste française aux Seychelles, avant que 

l'archipel ne devienne britannique ... Ces noms ... Comment 

ne pas s'en régaler ! ... Tu peux rester des heures, là, le coeur

 plein d'amour ...









_ Combien de fois Joachim n'a-t-il pas escaladé les falaises ?

 _ Combien de fois n'a-t-il pas été abasourdi par tant de 

beauté? ... 

Avez-vous admiré, en haut de Sans-Souci, les calices des 

lianes-pot-à-eau ? Avez-vous rêvé, du côté de Bel-Ombre, en 

prenant le merveilleux sentier qui mène à l'Anse Major ?

 Vous êtes-vous laissé émerveiller par les récits parlant des 

trésors de pirates qui seraient cachés là ? 







_ XL _








Joachim Servina se meurt ... Lui, si débordant de vitalité, lui 

si fort, si dynamique ... Joachim se meurt ... Joachim étouffe

 ... La faim lui serre la gorge ... Joachim est mort.








Noël Rondeau, le cuisinier, le suivra ... On le trouve sans vie 

au fond du bateau, un matin au lever du soleil ... Allons-nous

 tous mourir ? ... Il semble de plus en plus évident que c'est le

 sort qui nous attend.









Jules Lavigne est le suivant. Il avait glissé dans le coma

 depuis un long moment déjà.




Ah ! Que tout cela finisse ! ... Six morts déjà ... On ne reste 

plus que quatre ... On ne se demande plus si l'on mourra ... 

On se demande quand on mourra ...










Ange Finesse, son amie George Arissol, Joachim Servina, 


Noël Rondeau, Jules Lavigne ... Il n'en restera donc pas un ?

 Pas un ne sera épargné ? _ A quoi tient la vie ? Dire que l'on

 avait presque atteint l'île Sainte-Anne ! ... Dire que l'on avait

 presque pénétré dans la passe qui conduit au lagon de 

Victoria ... N'y aura-t-il donc pas un seul survivant ? 











Mon histoire est terrible ... Je vous l'avais dit ... Mais mon 

histoire est véridique ... Elle a été recueillie peu après le 

drame par un prêtre, le père Angelin, qui en écrivit le récit 

sur les lieux et le lut aux survivants ... 









_ XLI _






Il y a donc eu des survivants ! ... 




_ Pour l'instant, après tant de semaines, six personnes sont 

mortes... Il n'en reste plus que quatre : Monsieur Corgat,

 mais on sait qu'il est blessé depuis sa tentative pour

 atteindre l'île d'Agalega, son fils Selby, Antoine Vidot le 

mécanicien, le capitaine Louis Laurence ... Mais ce dernier 

divague et ne tient plus sur ses jambes ... Il y aura certes des 

survivants ... Lesquels et en quel état ? 




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