LA MARIE-JEANNE
Suite : LI à LIII
_ LI _
Les deux rescapés ont laissé retomber sur le
pont les vivres qui leur avaient été donnés
...
Ils attrapent la corde qu'on leur lance ...
Ils
l'attachent à l'avant de leur bateau ... On
leur
lance une deuxième corde. Ils l'attachent à
l'arrière ... On leur en lance une
troisième, plus
grosse et plus solide. On leur dit de la
fixer à la
proue de la "Marie-Jeanne", mais
ils n'en ont
plus la force ...
Alors, un homme du "Montallegro" descend
par
une
échelle de corde ... Il fait l'amarrage ...
La Marie-Jeanne est solidement amarrée, par
l'avant et par l'arrière. Elle est au pied
de la
muraille du pétrolier, tout près ...
La mer est calme ... Avec un palan, on
descend
un tonneau vide, les deux hommes y sont
placés
...
Le palan les remonte. Les voila sauvés !
Selby Corgat et Antoine Vidot sont sauvés de
l'océan qui les avait pris, avec leurs
compagnons,
soixante quinze cinq jours plus tôt ...
Vous vous rendez compte ? _ Soixante quinze
jours de dérive, avec pour seul spectacle
les
immenses étendues, tantôt calmes, tantôt
soulevées en lames couvertes d'écume :
Désespérantes étendues semblables à un grand
lac d'huile parcouru de reflets, troupes de
vagues rageuses, accourant les unes derrière
les autres, inlassablement, se brisant
contre la
coque du bateau, courant encore plus loin,
toujours plus loin ... Soixante quinze
nuits,
parfois sombres, parfois claires ... Reflets
sur
les eaux, comme sur un miroir ... Clairs de
lune
... Chemins d'étoiles ... Grands poissons
parfois,
qui
sautent au loin ... Phosphorescences ...
Les oiseaux qui crient ...
Et les amis qui meurent ... Dont on jette
les
corps dans l'océan ... Les corps des amis
...
Les corps des parents ...
_ LII _
Antoine et Selby sont à bord du
"Montallegro"
... Antoine et Selby sont sauvés ... L'ordre
est
donné d'abandonner la Marie-Jeanne ...
On se trouve à ce moment au sud de
l'équateur..
. Par 6°45 de longitude et 45°05 de latitude
est.
Le navire pétrolier remet en route. Antoine
et
Selby sont sauvés sans doute ... Mais ils
sont si
amaigris, ces deux adolescents que le hasard
vient de confier à l'équipage du
"Montallegro" !
... On dirait de véritables squelettes ! ...
Est-il
possible d'être exténué à ce point ? ...
Antoine,
qui pesait cent cinquante-neuf livres en
partant
des Seychelles n'en pèse plus que ...
soixante six
On prodigue aux deux rescapés tous les soins
possibles ... Le Capitaine, Carlo Girola,
câble
la nouvelle aux Seychelles :
_" La Marie-Jeanne est retrouvée, avec
deux
survivants à son bord, Selby Corgat et
Antoine
Vidot
..."
En moins de temps qu'il n'en faut pour le
dire, la nouvelle fait, à Mahé, le tour de
l'île.
Elle fait sensation ! _ Qui eut cru que l'on
pouvait survivre en mer pendant deux mois et
demi
sans vivres ? ...
On attend la fin de l'odyssée.
_ LIII _
Mais revenons à bord du "
Montallegro",
revenons auprès des rescapés et de ceux qui
en prennent soin ... Le Capitaine Girola
câble
à un médecin-spécialiste de Rome ...
Il obtient des indications sur la manière de
secourir les deux jeunes-gens : "Au
début, ne
leur donner qu'un peu de soupe ... Leur
faire
des injections de caféine ...
Les laisser dormir".
Antoine et Selby dorment en effet ...
Ils dorment presque tout le temps ...
Pourtant, dans un intervalle de réveil,
Antoine se souvient qu'ils ont laissé sur la
Marie-Jeanne le corps de Monsieur Corgat ...
Il en parle avec Selby ...
_"Trop tard "! leur répond le
capitaine Girola:
On ne
peut plus revenir en arrière ...
Le pétrolier se dirige vers Koweït, au fond
du
Golfe Persique.
Et voila pourquoi le capitaine Archibald, du
"Harold Sleigh", venant à croiser
la
"Marie-Jeanne" à son tour découvre
un
cadavre, des vivres, des vêtements, treize
livres sterling en billets des Seychelles
...
Il fait jeter le corps à la mer et prend la
"Marie-Jeanne" en remorque vers
Bahreïn ...
Lorsqu'il câble à Londres pour faire part de
sa découverte, on est bien près d'imaginer
un
crime, un drame sanglant ...
Allez donc savoir !... Elle en a gardé
secrets,
des crimes et des drames, la mer !
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