dimanche 30 septembre 2018

LA ROCHELLE





LA ROCHELLE
















Que dire, de La Rochelle ? – C’est une ville

dans laquelle je ne me suis jamais senti chez moi.

J’y ai habité pourtant, juste derrière les parcs,

dans un quartier dit « La Trompette », non loin

d’un autre quartier qui, lui, s’appelle « Jéricho » !

 – Peut-être le malaise vient-il, justement, de

toutes ces références bibliques : La Rochelle,

place forte protestante … Richelieu et la digue

qui bloqua le port, à la hauteur de la tour à

bonnet rouge qui porte le nom du cardinal 

La Rochelle et les débris de ses remparts, les deux

 tours qui montent la garde à l’entrée du port …

La tour des « Quatre Sergents » et ses relents

 de carbonarisme … La cathédrale, massive,

balourde, pompeuse … On dirait prétentieuse :

Tout ce qu’il y a de plus « Roi Soleil », sans la

grâce.












«  La Rochelle, belle et rebelle … »  Tel

est le slogan adopté par la ville. Mais de

quelle ville parle-t-on là ?  D’une ville

boutiquière, marchande, commerçante,

besogneuse, usurière … - Rue des Merciers,

 rue de la Buffleterie, rue des corderies,

rue des cordouans, rue des Fuseaux, rue

des Gentilshommes … J’imagine une

ville pleine d’échoppes, d’ateliers,

d’éventaires. J’imagine sous les toits les

greniers pleins de sacs : On peut voir encore

 en haut des façades les crochets où se

fixaient les palans. Les fenêtres sont hautes

et donnent sur les combles.














Ou bien parle-t-on d’une ville où des

ombres se cachent sous les arcades qui

bordent les rues : Les ombres vêtues de

noir ou drapées dans les plis amples des

capes ? Casernes de l’arsenal, églises,

couvents, et la cour des « Grolles »

(Les « grolles » sont les corbeaux, en patois)

 et la cour du Temple …
                             Hôtel de la Monnaie,

Bastion de l’Évangile, bastion Saint Nicolas,

 porte Dauphine et porte Royale, et l’arc

sous la tour de l’horloge, par lequel on

pénétrait dans la ville autrefois. …

Rue des Dames, rue des Templiers, rue

des Augustins, rue du Temple, rue des

Saintes Claires, rue Saint Louis, rue Saint

Yon, rue Saint François, rue Saint

Nicolas …
















Imposants bâtiments de la Chambre de

Commerce : dans la cour pavée, on

imagine les pas mesurés ou pressés, feutrés

le plus souvent, les bonnets carrés des

scribes et des comptables. Juste à côté, sous

 les arcades, la prison très austère et le

palais de justice : On imagine les robes

noires et les jabots blancs. On imagine le

va et vient des avocats et des juges. 

Derrière l’hôtel de ville aux airs de palais

de carton, on voit encore le balcon des

échevins. Les échevins, on les voit 

graves, imbus de leur grandeur et fiers

de tous les secrets de la ville. On imagine

les apothicaires et les alchimistes, couvant

leurs secrets.















La Rochelle est un port, c’est là l’origine de ses

richesses et de ses fiertés : Trafics en tous genres

sur les côtes d’Afrique, convois vers les Antilles

et les Amériques … Mais c’est un vieux port :

comme il y a le vieux port de Marseille.

Ce vieux port, avec ses quais nus et ses

fortifications, il donne son cachet à la ville : La

 Rochelle, c’est son vieux port. Pourtant, il est

devenu bien encombrant, ce vieux port, aux

siècles de l’automobile ! …

Par où entrer dans la ville ?

Les terrasses des cafés et des restaurants

sont toutes en bordure des rues dans

 lesquelles se suivent les voitures …

Les consommateurs ont juste le nez à

hauteur des pots d’échappement …

Un vrai plaisir !

















Le vieux port … On en a fait tant de cartes

postales, tant d’aquarelles, tant de tableaux !

C’est vrai qu’il est pittoresque, c’est vrai qu’il

est beau ! J’aime les ports et j’aime les bateaux.

Sur les vieilles lithographies, on voit les grands

voiliers qui chargent et qui déchargent au bord

du quai de la « Grand’Rive ». Des marins vont et

viennent. Des hommes roulent des tonneaux …

Justement … De nos jours, les bateaux sont

des voiliers de plaisance, ils ne bougent guère,

amarrés à leurs pontons flottants. Personne ne

roule plus de tonneaux.  Personne ne charge ni

ne décharge … Deux ou trois vedettes, aux

beaux jours, emmènent les promeneurs …

Ô ! Le mugissement de la corne de brume, par

les longues nuits d’hiver  angoissées !















Il faut maintenant parler « des » ports : Les

pêcheurs ont été exilés à Chef de Baie : On a

construit pour eux des installations grandioses.

 … Qui restent déficitaires ! Les cargos et les

navires de croisières, eux, sont exilés à

La Pallice depuis le début du vingtième siècle.

On ne les voit pas, mais ils remplissent

d’énormes silos à grains, ils alimentent des

chenilles entières de wagons plus ou moins

rouillés qui passent dans les faubourgs, vers

la Porte Royale et la Porte Dauphine …

Ils remplissent les trémies d’engrais agricoles,

ils déversent sur les quais les grumes de bois

« coloniaux » .…  Aux jours de passage des

paquebots, des cars prennent les touristes pour

les emmener à la ville et, dans les rues de

La Rochelle, on ne parle que l’Anglais …

Ces touristes vont de boutique en boutique,

s’intéressant tout particulièrement aux

parfumeries et aux bijouteries …

Il y en encore quelques unes !












Je dis qu’il y en a encore, car le commerce

déserte de plus en plus le centre ville : Il faut

choisir, et le choix est difficile    Ou bien on

parvient à limiter la circulation automobile dans

la ville et celle-ci deviendra vivable, ou bien

on laisse aller les choses … Mais si on limite la

circulation et le stationnement des voitures,

les commerces ferment … Dans la vieille ville,

on ne trouve plus guère que des magasins de

chaussures et des boutiques de « fringues »


… Allez donc contenter tout le monde !


Nous ne n’entendrons plus les crieuses de

sardines au retour des fileyeurs …

-« À la sans sel ! »













Le nouveau port de plaisance ? – C’est le plus

grand de la côte atlantique, c’est vrai, et

j’aime beaucoup les bateaux, mais ces garages à

 bateaux ! Combien de fois verrez vous un

bateau hisser les voiles ? – Quelques uns, bien

sûr, mais bien peu de bateaux qui bougent !



- Une forêt de mâts, immobiles, tristes et nus !

 Un port de plaisance n’est plus un lieu de

promenade ! … Ah ! Rendez-moi ces petits

ports où les barques venaient s’échouer et où

fleurissaient les focs parmi les mâtures !



        – « En voulez-vous, de mes chinchards ou

de mes maquereaux ? » - Le mousse vendait sa

part de tacots et emportait quatre sous à son foyer

 … Il était fier, le mousse : Il était un homme de

mer !

















Les parcs ? – Le parc Charruyer, les jardins du

Mail, le parc d’Orbigny, celui de Chef de Baie,

celui des Minimes … C’est vrai, il y a les

parcs, ils sont superbes et vastes. Ils occupent

tout l’espace marécageux qui restait autrefois

hors les murs. On peut s’y promener et y faire

son jogging matinal. Avouons cependant qu’ils

ne sont pas aussi fréquentés qu’on pourrait le

croire … Aurait on peur des marginaux qui

 passent la nuit sur les pelouses avec leurs chiens 

aussitôt les beaux jours venus ?







Comme toutes les villes du monde, La

Rochelle s’est agrandie et, à la fin d’une journée

 de travail, tout le monde prend le volant de sa

voiture pour regagner sa maison dans les

villages alentour : La Jarne, la Jarrie, Lhoumeau,

 Esnandes, Beaulieu, Angoulins, Saint Xandre,

 Saint sauveur voire Chatellaillon ou même

Rochefort , l’île de Ré …



Plus de magasins dans le centre ville ? – Eh !

Ils sont dans la périphérie : La grande

distribution, comme partout, s’est installée hors

 les murs ! Pour acheter deux écrous et trois

boulons, il vous faudra prendre votre voiture

et vous rendre à Périgny ou à Beaulieu.

Vous pouvez également vous y rendre en

prenant l’autobus, mais il vous faudra presque la

demi journée pour faire l’aller et retour !













Les maisons à colombages, les ruelles

étroites, les belles pierres et les hôtels

particuliers des anciens armateurs

rochelais, les tours et les remparts …

Ils sont en passe se retrouver dans un

espace muséal, certes rénové, protégé,

ravalé, nettoyé, sacralisé …

Mais qui n’en sera pas moins hors du réel :

 Venise, la « belle et rebelle » ?



 La Rochelle sera-t-elle l’exception qui

confirmera la règle ?