VANUATU OU
NOUVELLES-HÉBRIDES …
Mais où diable peuvent donc bien se
trouver les Hébrides,
quand elles
ne sont pas « Nouvelles » ? – Il s’agit d’un chapelet d’îles
situées au Nord Ouest de l’Écosse : Îles
rudes ! Quand on sait que les premiers
colonisateurs des « Nouvelles-Hébrides » étaient des
presbytériens écossais …
L’avion
s’incline sur l’aile droite, descend, s’engage dans l’axe de la baie. La baie de Port-Vila, l’une des plus
belles baies
du monde ! La ville apparaît, petite, bâtie en
éventail à flanc de colline :
Une avenue
longe le littoral, une autre monte vers les sommets.
Maisons de
bois, pour la plupart, toits de tôles, tout alentour,
Cocoteraies …
Mais qui a répandu dans toute la zone ces
troncs déracinés, couchés ?
– Il semble,
vu de haut, qu’un géant ait répandu des allumettes …
Une maison a
perdu ses murs et son toit, plusieurs maisons peut-être.
Tout cela est le résultat du passage d’un récent cyclone …
Impressionnant !
Les maisons de commerce sont toutes le long d’une avenue
qui borde la baie.
Mais
l’appareil poursuit son vol, décrit une large courbe
Nous avons
aperçu la piste, gazonnée, étroite, très courte et qui n’est au demeurant
qu’une modeste percée entre les arbres… Souhaitons que le pilote
ait la vue claire et la visée exacte ! Nous décrivons un cercle, puis
deux, puis trois : Il s’agit d’effrayer les vaches qui broutaient là
…
Nous l’apprendrons plus tard.
Bien posé ! Félicitations à
l’équipage ! Deux ou trois rebonds, mais …
Bah !
L’aéroport
de Bauerfield est juste une petite baraque
de tôle, à peine plus grande qu’une guérite, de guingois …
Quelques
voitures attendent à proximité, grosses voitures tous-terrains.
On m’y attend.
Direction Port-Vila, tout à côté. Lorsqu’on
découvre la ville, on découvre en
même temps l’océan.
C’est vrai, la baie est magnifique,
vaste, bien abritée, enserrée de forêts et
de cocoteraies … Et les couleurs ! dans cet écrin, un îlot, peu éloigné
de la grande île : Sur cet îlot coupé du reste de la ville,
un
bâtiment : La résidence Britannique … Ce ne pouvait être que cela !
– La
splendide Albion ! On y va en bateau : Nul ne parle encore du sous la
Manche !
Tout en haut
de la colline, c’est là qu’il faut chercher la résidence de France : bâtiments blancs en béton.
De là, la vue
est superbe sur la baie ! Les maisons de commerce, pour la plupart
logées dans de vieux bâtiments en bois, sont alignées tout en bas, le
long de la côte : « Ballande, Pentecoste, Burns-Phillip » …
Des magasins
tenus par des Chinois sont semés par ci-par là : Immeubles de bois
encore, avec des allures de Far West … On y vend de tout :Casseroles, riz, appareils électro-ménagers,
beurre, conserves de « corned-beef »,
petits pois, tissus … Que sais-je encore ? On y stocke le
coprah, séché et fumé, en attente d’embarquement.
Il y a deux gros cargos dans la
baie : L’un pour charger le coprah, l’autre pour, aujourd’hui, charger des hommes
et des femmes :
On rapatrie
les Vietnamiens. Leurs parents et leurs grands parents étaient venus aux Nouvelles-Hébrides pour travailler
dans les cocoteraies...
– Leur
rapatriement a été interrompu par la guerre mondiale.
Aujourd’hui,la
France embarque les hommes et les femmes, les vieux et les jeunes
– Fermez les
yeux, « On n’a rien vu » Des commissaires politiques sont venus les chercher
- Il n’est
pas question qu’ils y échappent. Nous avons rencontré une jeune institutrice
qui ne voulait pas «"rentrer » au Vietnam …
Elle s’est
enfuie dans la brousse peu après notre rencontre pour ne pas céder – Il m’a été dit qu’elle avait
réussi son coup : Elle n’est
réapparue que deux jours après le départ du bateau ...
– Mais il m’a
été également raconté, et je ne suis pas très fier de cela, les autorités
françaises avaient refusé de lui rendre son poste
d’enseignement.
Politique,
quand tu nous tiens ! – Il est des raisons qui ne relèvent pas de la
raison ! Il n’y a pratiquement plus de Vietnamiens aux Nouvelles-Hébrides
– Ni en Nouvelle- Calédonie d’ailleurs, où le
« rapatriement » s’est fait au même moment et dans lesmêmes
conditions.
Politique, quand tu nous tiens ! Il n’est pas d’organisation coloniale plus stupide que celle des Nouvelles-Hébrides.
J’en suis certain !
Il s’agissait d‘un « condominium », je n’en connais pas d’autres exemples, ni dans l’histoire, ni dans l’espace terrestre.
En Nouvelle-Calédonie
d’ailleurs, le "rapatriement » s’est fait au même moment et dans les
mêmes conditions.
…Il s’agissait d‘un « condominium », je n’en connais pas
d’autres exemples, ni dans l’histoire, ni dans l’espace terrestre.
L’Angleterre ni la France ne se résolvant à laisser la place, Les deux nations avaient tout simplement décidé de régner ensemble. Par souci d’impartialité le juge était espagnol, nommé par le Roi d’Espagne ! Ajoutez à cela les pasteurs et les prêtres, les chefs coutumiers et les écoles, publiques ou confessionnelles, ajoutez
encore les commerçants et les traders, les recruteurs de main d’œuvre et les illuminés … Vous avez découvert la potion magique, chacun s’ingéniant àneutraliser les intérêts des autres !
Oh ! Ce n’était pas que l’une
quelconque des deux nations
tutélaires ait vraiment envie de prendre possession de ces îles perdues
entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Calédonie, mais les Australiens et les Néo-zélandais tenaient
à l’évangélisation du Pacifique et d’autre part les
néo-calédoniens auraient bien voulu,
purement et simplement, une annexion de ce réservoir de main d’œuvre.
Et le temps s’écoulait, les
partenaires se regardant en chiens de
faïence … Les Britanniques, sur les pistes, roulaient à gauche. Les Français
roulaient à droite. Quand ils se croisaient, il fallait bienque l’un
d’entre eux laissât la place à l’autre … Eh bien pas toujours !
J’ai entendu raconter qu’il arriva que les
deux conducteurs lâchassent
leurs volants plutôt que de laisser la place à l’autre !
-
« Saloperie, criait le gérant du magasin Pentecoste, en poursuivant sa compagne
canaque dans la rue de Port-Vila. Saloperie, ton père, il a bouffé le mien ! »
Il faisait
ainsi allusion aux antécédents cannibales des habitants des îles.
La scène ne
manquait pas de piquant : Figurez-vous un vieux bonhomme à
barbe hirsute, poursuivant une femme en « robe mission », c’est-à-dire
en robe d’une longueur et d’une amplitude telles que l’on ne
distinguait plus ses formes.
Juste au bord de la mer, au plus
creux de la baie, l’hôtel Rossi : Terrasse qui
surplombe la mer – Un pêcheur lance son épervier et recueille de
miroitantes sardines : Les gestes sont bibliques !...
Une table,
trois chaises, un verre, presque vide – Un homme, de dos
– Je ne sais
pourquoi son aspect me dit quelque chose :
-« Mais ne serait-ce
pas ? » – Oui, c’est bien lui … C’est Paul !
Paul, médecin militaire, que j’avais
quitté à Rochefort sur mer, il y a des années, et que je retrouve là, de
l’autre côté du monde.
Il lit le
journal et boit tranquillement une bière en cherchant de l’ombre.
-« Sacré
Paul, va ! »
Le
lendemain, nous emprunterons une deux-chevaux à la
Résidence de France. Nous ferons une quinzaine de kilomètres sur une route
étroite, coincées entre des talus à vif et les troncs de cocotiers.
Partout où il n’y a pas de cocotiers, la forêt s’étend, drue,
quasiment vierge. J’ai lu que le squelette d’un soldat américain avait été
trouvé récemment : Il s’était perdu, dans les années quarante et n’avait pas retrouvé son chemin :
Bigre ! Je ne suis pas étonné !
Paul et moi,
nous connaîtrons un autre genre d’aventure : Nous étions,
lui et moi,
assez corpulents et la deux-chevaux était trop vieille et trop rouillée
…
Tout à coup, dans la grimpée d’une côte raide
… Notre siège s’effondre et nous voilà chacun le nez sous le tableau de bord.
Paul, qui
conduisait, réussit à garder le contrôle de la
direction !
Souvenirs, souvenirs ! Notre course s’est arrêtée au pied
d’une superbe
cascade au bas de laquelle nous nous sommes baignés.
Mais
il me revient aussi qu’un de mes lointains cousins, originaire
comme moi de l’île d’Oléron, commanda un détachement
franco-britannique, vers la fin du dix-neuvième siècle. Il se battit,
dans cette île de Vaté, en pleine forêt, contre les « sauvages »
et fit preuve d’un courage extraordinaire. Il s’appelait Paul, lui
aussi, Paul Coustolle.
On a beau aller au bout du
monde, on retrouve, la plupart du temps, les traces laissées par des proches
que l’on n’attendait pas en cet endroit ! Une découverte
ultérieure peu ordinaire lconfirmera :
À Port-Vila, on conserve le souvenir d’un pharmacien
hurluberlu qui avait, au début du vingtième siècle, vendu
son officine,
située … à Saint-Georges d’Oléron, pour aller s’installer à
l’autre bout du monde. Il pensait sans aucun doute pouvoir vivre
là, de sa pratique … Malheureusement pour lui, il s’était mal
renseigné, ou ne s’était pas renseigné du tout :
Les actes
médicaux et pharmaceutiques étaient réservés à l’hôpital,
tenu par des
médecins et des pharmaciens militaires ! Pas de pratique, pas de
clients !
On se souvient qu’il demeura quelque temps à
Port-Vila, vivant de la charité de ses concitoyens. Personne n’a pu me dire ce
qu’il est devenu par la suite : Il a sans doute gagné la Nouvelle-Calédonie ou …
Regagné la
France ! On se souvient, dans la plupart des
archipels
polynésiens ou mélanésiens de quelques illuminés qui avaient
tout quitté pour vivre « à l’état de nature ». Peu s’en sont sortis
dignement. Je songe parfois, quand je me rends au bureau de
tabac de mon village oléronnais, à ce pharmacien :
Son officine
s’ouvrait dans ce même bâtiment, sur la place de l’église …
La résidence de France
m’avait hébergé
pendant deux
ou trois jours à la « case de passage ».
Souvenir de
mon patron, l’inspecteur Martin :
En
chaussettes, monté sur mon lit pour accrocher une
moustiquaire.
Les fonctionnaires
en poste appartenaient visiblement, à peu près tous à
p la
même "équipe", issue des cadres de la « France
Libre », et
plus exactement du Cameroun ou du Gabon :
Monsieur Maurice
Delaunay était Commissaire-Résident de France.
Monsieur Langlois était Chancelier
de la Résidence. Ils avaient tous deux de très belles femmes et ils
savaient recevoir !
Ah ! Le corps
diplomatique français !
Je n’ai rien à dire de la résidence
britannique : Elle siégeait sur
son îlot et, du côté de la « grande terre », En face au ponton sur lequel on embarquait « pour
l’Angleterre » ( ou l’Australie, c’est selon ! )
se dressaient les
bâtiments
du « Club » britannique, entourés d ’une
pelouse
digne de Wimbledon ou du campus d’Oxford !
C’est
à peu près tout ce que j’en connais, sinon que l’Union Jack flottait sur l’îlot.
Bonjour,
RépondreSupprimerà propos de la photo de rue (présentée 2 fois) mes amis du groupe FB Les Nouvelles Hebrides / Vanuatu, doutent qu'elle ait été prise à Port-Vila, et penchent pour la Nouvelle Calédonie
Sincèrement,
Gérard Chenais