lundi 10 septembre 2018

SAINT PIERRE DE LA MARTINIQUE





                SAINT PIERRE DE LA                                         MARTINIQUE


    




        J’y suis allé. Je n’en suis pas plus
fier que ça … Sentiment de malaise,
comme celui que pourrait éprouver une
  adolescente regardant ses parents par
le trou de la serrure : L’impression d’être
un voyeur ! – Indécent !

               Là était la capitale de la
Martinique et des Antilles françaises.
Là, on rencontre essentiellement des
touristes en tenue légère. Ils parlent bas,
cependant. La plupart retiennent leurs pas
ainsi que dans les cimetières.

        8 Mai 1902, à 8 heures cinquante
du matin … Le volcan de la Montagne
Pelée a vomi un nuage de boue et de
vapeur d’eau bouillante … Il ne restera
plus rien : Vingt-cinq mille habitants
seront morts, tous à la fois.

La ville n’existe plus et tous les navires
qui étaient à l’ancre dans la baie se
sont enflammés puis ont disparu.









        Que dire de Saint Pierre ? –
Je ne vais tout de même pas raconter
l’histoire de cette catastrophe. Elle s’est
déroulée il y a si longtemps … C’était hier,
ou presque !

 On peut dire que la ville n’a jamais
 été rebâtie : Certes, on a
reconstruit l’église, certes, quelques
bâtiments, peu nombreux, ont été
relevés, mais la ville est morte, et
le restera. Là-haut, le volcan est
toujours là.
Il est muet pour l’instant mais … 
Et puis, c’est mieux comme cela …
 La sensation d’un blasphème si l’on
avait relevé les ruines noircies.










        Ici fut une rue, la rue principale.
 Elle était ce qu’étaient toutes les
rues des villes importantes, à cette
époque : Des caniveaux bien tracés, des
murs de pierre, éboulés, noircis, calcinés.
 Plus de toits, bien sûr et la
végétation peine à reprendre ses droits.

 Là était le grand théâtre : Il était construit
sur le plan du grand théâtre de Bordeaux … Et partout .... Mais pourquoi tenter les
identifications, pourquoi chercher à
reconstruire ce qui a été démoli, abattu,
 ruiné, brûlé, soufflé, anéanti ? –









La mer, voisine, est calme. La rade est
irisée. La rive est tranquille. On avance
 à petits pas entre les débris de murs.
On passe le pont qui enjambe le torrent.
On songe. On prie.

        En bord de mer, au bout d’un
appontement de bois, accostent les
 bateaux qui amènent les visiteurs :
Ils viennent de Fort-de-France ou bien
des Trois Îlets : Tous font silence au
débarquement.


        Quelques marchands vous
proposeront des babioles à titre de
souvenirs. J’ai le sentiment que très
peu d’entre eux sont vraiment
domiciliés ici. – Qui passe ses nuits en cet
endroit ?










On vous montrera des bouteilles de
verre, fondues, déformées. On
vous montrera des cloches boursouflées
par la terrible chaleur : Les cloches
de l’église, les cloches qui sonnaient ce
jour-là, pour les premiers
communiants …On vous montrera les
 cloches des rhumeries aussi, qui
étaient là pour rythmer le travail.

Une usine ? – Il y en a encore une, un
peu au-dessus des ruines : On vous y
montrera des fers tordus, que sais-je
encore ? On vous contera l’explosion  des
fûts …









        Ah ! Je ne veux pas que l’on
me raconte les bûchers sur lesquels
on a brûlé les cadavres : Enfants,
femmes, hommes mêlés … Et l’on en
trouvait encore et encore, dans
les décombres. Combien n’ont jamais été
 retrouvés ?









        On vous dira bien que les épaves
des navires sont toujours là, dans la
baie, au fond de l’eau. Il y aurait  même
un petit sous-marin pour montrer
tout cela aux touristes … Ah ! Je ne
veux pas voir ! – Laissez-moi prier.
Laissez-moi pleurer … Et même si les
larmes ne me viennent pas tout à fait,
laissez … Mon âme pleure.


                                              
            
 



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