mardi 24 février 2015

LES PETITS CAILLOUX (11)




LES PETITS CAILLOUX 


             Chapitre 11



          SUR LES CHEMINS DE COMPOSTELLE


















MADRID








                                     LA GARE D'ATOCHA




Nous sommes tous Madrilènes
Et me voici
Devant la gare d'Atocha
Flaques brunes
Sang séché
Non pas de toros bravos
Mais de tendres chevreaux
De lourds engins brassent des décombres
Madrid mutilée encore
Écorchée
Déchirée
Écartelée
Ô Madrid !
Les poignards
La mitraille
Les obus
Les grenades et les bombes
Mais les voitures s’engouffrent
Dans l’avenue vers la Puerta del Sol
Tout comme hier
Et avant-hier
Les trains courent encore
Un jeune homme boit son café
Les belles employées
Vont à leur travail
Pressées
Des pelles creusent des tranchées
Les maçons s’affairent aux échafaudages
Les jardiniers ratissent Les allées du Prado
Ô Madrid ! J’ai rendez-vous avec Vélasquez
Et Francisco Goya
Je rendrai visite à Juan Gris
Et Picasso
Nous sommes tous Madrilènes
Ô Madrid !
Madrid qui ne dort pas Chante la nuit
Le jour travaille





SÉVILLE






                                         Cathédrale de Séville




Au bassin du jardin de l’Alcazar
Sous les feuilles du jasmin
Une orange a glissé
Elle a doré l’écaille
Des carpes centenaires
Voici qu'en haut du minaret
Éclatent tout à coup
Silencieusement
Au premier coup de midi
Douze quartiers écartelés
Gouttes de métal fondu

Semé de pâquerettes
Le fleuve tremble un peu
Les ocres et les jaunes des façades
Ont épongé leurs ombres
Les calèches luisent
De leurs cuivres et de leurs cuirs
Douze quartiers d’orange
Dardent des flèches d’or
À l’aplomb de la Giralda

Ce soir l’orange roulera
Rouge sang
Rouge sera le fleuve, rouge ...
Ô Séville !
Ô le parfum des orangers !
Le Guadalquivir saigne
Devant la Plaza de Toros







MERIDA
















                                        Le Théâtre de Merida





Ô Merida !
Plus connus le Douro et le Tage
Mais la Guadiana ...
Soixante arches d’un pont deux fois millénaire
Les appels d’un aurige levant haut la mèche du fouet
Galops
Hennissements vainqueurs et glorieux
Marchands de volailles
Porteurs d’outres luisantes
Vendeurs d’échalotes et d’oignons
Lourds fardiers chargés de poutres
Ou de pierres taillées

Place ! Place !
Olifant
Grelots et sonnailles
La ville est fière derrière ses murs
Odeurs de fleurs d’orangers
Place ! Place !
Aux multiples bras du fleuve Guadiana
Les pas précautionneux des cigognes
Jambes haut levées
Leurs nids craquettent
Sur l’aqueduc
Au sommet de chaque pilier rompu

Au bout du pont des Romains
La forteresse des maures
Ville fraîche
Ville blanche
Après des kilomètres rouge sang
Au long des vignes accroupies
Frétille la feuille de l’olivier
Nous irons flâner près des palmiers
La fontaine chante sur la place d’Espagne
Des patriciens en toges de lin
Passent sous l’arche de Trajan
Allant vers le Musée cathédrale
Où sont les statues et les bustes
Vivants encore
Les fiasques et les verres
Et les mosaïques aux poissons
Nous entendrons monter les vivats
Les trompettes sonner
Résonner les gongs et les tambours
Les lyres et les cistres chanteront
Lions et tigres rugissent
Dans l’arène de l’amphithéâtre
Et devant les gradins du théâtre voisin
On chante les fastes d’Hadrien
Merida !
Je veux m’asseoir encore une fois
Devant les colonnes du temple de Diane
Je retournerai le sablier
Mais le temps ne suspendra pas son souffle
Merida !
Les jours passent
Tu creuses et tu fouilles
Mais le temps ne reviendra pas.





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