lundi 23 février 2015

LES PETITS CAILLOUX-10






                                LES PETITS CAILLOUX-10








              COMPOSTELLE (SUITE)










Le pèlerin ne réclame pas le retour au passé. Il ne cherche pas, ce serait puéril, vain et inefficace, à ressusciter les repères perdus de son enfance ... Il demande des repères nouveaux, mais il demande des repères, là où le siècle ne lui en propose plus. Il demande qu'on lui indique une voie clairement balisée et qui conduise à un objectif clairement défini, cohérent ... Ce que sa marche exprime, c'est son besoin de clarté et de solidité, là où on ne lui montre plus que des incertitudes. Dans un monde de mieux en mieux connu, mais de plus en plus incohérent, disloqué, l'homme a besoin de savoir ce qu'il est, d'où il vient, où il va ... L'interrogation existe depuis toujours ... Les réponses semblent de plus en plus improbables ou formulées de telle façon qu'on ne s'y reconnaît plus.



Jan est Hollandais, (il y a beaucoup de Hollandais sur le Chemin ....) Il est apparu à la porte du refuge de Portomarin, je crois ... Il n'allait pas à Compostelle ... Pas cette fois-ci du moins, car il y était allé déjà trois fois. C'est un grand gaillard d'une soixantaine d'années, solide, habillé comme un chasseur. Il nous rejoint après avoir suivi la "Via de la Plata", partant de Séville ... " Dure, dure route, aux très longues étapes, disait-il, sur un chemin désespérément rectiligne et désert :



_ " Sur sept cents kilomètres, je n'ai rencontré que trois pèlerins ... "

































Il nous a quittés à la Croix-de-Fer, au point le plus élevé du parcours. Nous y étions arrivés sous la pluie, partis de Rabanal del Camino. Nous étions las : Aucun panorama. Nous avions traversé Foncebadon, village vide. Où était la Croix-de-Fer ? Elle nous est apparue telle que nous l'attendions : Une longue perche de bois toute tordue surmontée d'une croix de Fer tout aussi tordue ... Dérisoire ? - Emblématique ... Tout un symbole ! La Croix-de-Fer surmonte un énorme tas de cailloux, gros et petits ... Au cours des âges, nous l’avons déjà dit, chacun de ces cailloux a été déposé par un pèlerin qui l'avait apporté de chez lui. Jan, le Hollandais a été chargé par un groupe d'amis de déposer là trente-deux petites coquilles, autant qu'il y a de personnes dans le groupe d'amis... Le questionner pour en savoir plus sur les motivations profondes des uns et des autres aurait été indiscret sans doute ... Mais il faut se souvenir que ce que le pèlerin dépose là, l'ayant apporté de chez lui, c'est le lot de ses soucis, de ses problèmes, des difficultés qu'il a connues... Tout ce qu'il était avant d'arriver jusque-là ! ... À la Croix-de-Fer, le pèlerin fait peau neuve, se défait de son passé et repart vers un autre avenir, riche de ce que le Chemin lui a apporté. Cela vaut bien la consultation d’un « psy », non ?



















C'est donc une démarche qui s'oriente vers l'avenir et non pas vers le passé. Le pèlerinage, ce n'est pas la visite à la cathédrale de Santiago, c'est le Chemin lui-même ... Et le Chemin ne s'arrête pas à Santiago, il n'a pas de fin ... C'est un personnage neuf qui suivra l'étoile et cette étoile l'accompagnera durant toute sa vie nouvelle ... Où est la "ringardise" ? - Il n'est peut-être pas innocent de constater, je l'ai déjà dit, que ces pèlerins, rencontrés au mois d'avril, étaient pour la plupart des ingénieurs, des médecins, des cadres ... Il y a là une démarche avertie ... On est loin d'un pèlerinage de gueux !



J'ai rencontré des Français en grand nombre, des Anglais, des Hollandais, des Allemands, un Norvégien, un Suédois, et j'ai pensé que c'était l'Union de l'Europe qui réussissait, d'autant que les deux derniers étaient de hauts fonctionnaires au Conseil de Bruxelles ... Mais aussi une Japonaise, des Brésiliens, des Argentins...



Tu as déposé ton caillou blanc, "Nathanaël" ...Va droit devant! Tout le reste est anecdote. Mais peut-on taire l'anecdote ? Nous avons vu des "pèlerins charters", débarquant des autobus et des avions ... Comment ne pas évoquer les "pèlerins boys scouts"?



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LA SIERRA DEL PERDON


































D’où vient le vent ?
Où va le temps ?
Le temps
Le temps
Le vent
Sur le ciel blanc à force d’être bleu
Un vautour crucifié
Glisse sur son orbite immuable
Les blés Jeunes encore
Montent au flanc de la colline
Soleil Roi
Moulins d’acier
Brassant le vent
Rythmant le temps
Lentement
Sifflant




Il est bien vrai que personne ne m’attendait ni rien. Je ne crée ni les êtres ni les choses
Je leur donne parole
Je les montre du doigt
Le temps ne fait qu’agiter les bras
Silhouettes de tôle noire
Un homme et son âne
Une femme et son enfant
Un chien qui suit derrière
Ils vont vers le couchant
Lentement
Si la lèpre rouge de la rouille ne ronge le fer ... Demain
Après-demain
Cette nuit Là ...
Serait-il mortel lui aussi Le temps ?




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