samedi 14 février 2015

LE NAUFRAGE DU TIGER (2)




LE NAUFRAGE DU TIGER




DANS L'OCÉAN INDIEN   CHAPITRE  2



















                     _" Pouvez-vous imaginer ce que cela représente ? _ Nous nous trouvions un instant auparavant sur un navire tout neuf, jaugeant soixante quinze tonneaux, ayant appareillé de Liverpool le trois mai mille huit cent trente six ... Pour ma part, j'étais alors Major de l'Armée des Indes. Je rejoignais mon affectation à Bombay. Mon épouse, Sibella m'accompagnait, ainsi que sa servante, Louise ...




_" Et puis ... Quand on y repense ... Il n'y a pas si longtemps que cela ...

- " Nous croyions que le bateau se trouvait au nord-est de Madagascar ... Le Commandant prévoyait d'atteindre le Cap Ambre le onze août ... Il virerait ensuite pour mettre le cap au nord. Nous pensions être sur la bonne route, mais ce n'était pas le cas !
_"Le temps était couvert. Le ciel était chargé de grains. D'après les calculs, compte-tenu de la distance qu'il estimait avoir parcourue depuis l'île Sainte-Marie, le Commandant pensa qu'il était temps de changer de cap. On vira à minuit. La nuit était sombre et pluvieuse. Le vent soufflait du secteur sud. Le navire filait huit à neuf noeuds ...

_" Le douze, alors que j'étais allongé sur ma couchette, au côté de Sibella ... Le navire talonne !

_" Les deux premières fois, il n'y eut que des raclements insignifiants ... Si légers que je ne bougeai pas ... Je restais allongé, écoutant intensément ... Je voulais croire que ce n'était pas vraiment une côte que nous avions touchée ... Que nous avions eu la chance de ne frôler que l'un des innombrables récifs si fréquents dans ces mers tropicales ...






























_"Hélas ! Il se passa moins d'une minute avant qu'une vague nous ait soulevés ... Le navire retomba de tout son poids sur les rochers. Il y eut un horrible craquement. La roue de la barre vola en éclats. La mécanique se brisa. Le navire entier craquait, comme s'il allait à l'instant être réduit en pièces. Il continuait à taper sur la roche. Au bout d'une demi-heure, il se coucha sur le flanc gauche ... A partir de ce moment, il se mit à taper encore plus lourdement. Les vagues déferlaient, se brisaient sur la coque, nous submergeaient avec une violence de plus en plus grande. Pour ajouter à l'horreur de la situation, à chaque coup de boutoir, la cloche du bord tintait ...

_" Dès le premier choc, nous nous étions tous précipités sur le pont. Nous gardions le silence le plus complet. Au bout d'un moment, le charpentier proposa au Commandant de couper les mâts pour alléger le bateau. Celui-ci, en effet, à chaque lame, cognait avec une telle violence que son démantèlement était à craindre ...









_"Attendons que le jour se lève ... Il ne faut pas faire de bêtises ..."


-" Une heure plus tard, cependant, le navire continuant cogner aussi fort sur les rochers, le Commandant lui-même ordonna de couper les mâts ... Ils s'abattirent avec un fracas épouvantable. A partir de ce moment, le bateau resta en repos.




















-"Pendant tout ce temps-là, l'équipage, sur le pont, était demeuré parfaitement calme et discipliné. Sibella, la servante, le docteur et moi-même, nous étions restés sur nos couchettes, offrant au Ciel nos prières ...

_"Le Commandant arriva : _ " Voudriez-vous avoir l'amabilité de descendre jusqu'à la cabine inférieure : Nous allons couper le mât de misaine."

_" L'inclinaison du navire était telle, et le pont était si mouillé, que nous avions l'impression de nous trouver perchés sur la crête d'un mur ! Il nous était quasiment impossible de nous déplacer ... Sibella était assise tout en haut, du côté au vent. En frappant la coque, une lourde vague la projeta au loin. Elle tomba à plat-ventre : Elle ne pouvait rien faire et je ne pouvais rien pour l'aider ... Un moment plus tard, profitant d'un instant favorable, en rampant, nous avons gagné la cabine inférieure. Nous nous sommes assis à même le plancher, du côté sous-le-vent.

_" Je fis alors quelques expéditions jusqu'à notre cabine, promettant chaque fois à Sibella de revenir très vite : Nous nous étions juré de périr ensemble si nous devions être noyés en cas de démembrement du navire ... Je parvins à ramener notre literie : Nous nous en servîmes pour nous asseoir de façon acceptable. Je ramenai aussi des vêtements chauds qui se trouvaient à portée de mes mains ... Nous nous habillâmes du mieux qu'il nous était possible. Mais nous étions tout mouillés et nous grelottions de froid. Nos montres, nos chaînes d'or et quelques bibelots furent mis en sécurité.











Archives nationales des Seychelles - Victoria.

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