LES AVENTURES DU SEE QUEEN
DANS L'OCÉAN INDIEN
CHAPITRE 2
_" J'imagine que l'équipage, qui avait été longtemps
rationné avant notre rencontre s'est immédiatement mis à boire et à manger
jusqu'à satiété complète ... Ils ont dû s'assoupir et dormir pendant que leur
bateau s'écartait de sa route : C'est la seule façon d'expliquer que ce bateau,
malgré les conditions favorables, ait pu rater sa destination.
****
_"Nous avons continué à naviguer sans savoir où nous nous
trouvions. Nous avions perdu toute notion du temps, toute notion des dates ...
Jusqu'à ce que toute l'eau douce ait été consommée. Nous avons encore, parfois,
eu un peu de pluie. Nous avons, chaque fois, recueilli autant d'eau que nous
l'avons pu. Nous avons pêché quelques poissons ... Comme nous n'avions ni eau
douce ni combustible, nous avons dû les manger crus. Pour ma part, j'en ai été
réduit à boire de l'eau salée. J'en ai bu pendant presque un mois je pense,
avant d'être secouru.
_"Je ne me souviens pas du tout de ce qui s'est passé ...
Ni des dates ... Henry Clotilde est mort avant que notre provision de pommes de
terre soit épuisée ... Nous avons jeté son corps par-dessus bord. Le Capitaine
est mort avant que je ne sois moi-même sauvé. Il ne me restait pas assez de
forces pour jeter son corps par-dessus bord.
_" Avant d'être sauvé, j'avais aperçu deux vapeurs, déjà
... Mais je présume qu'ils ne m'ont pas aperçu : Ils ont poursuivi leur route.
_" Le sept mai, c'est le "Telemachus" que j'ai
aperçu. Il allait très vite. J'ai pensé qu'il allait, lui aussi, poursuivre sa
route. Je n'avais que très peu d'espoir ... Puis je le vis faire demi-tour et
revenir. Vous pensez comme ma joie fut immense.
-"Je m'appelle Goodwin. Je commande le
"Telemaque", de Liverpool, appartenant à Messieurs Holts. Le sept mai
mille neuf cent dix, par 9° 38 de latitude sud et par 65° 34 de longitude est,
mon navire a rencontré un bateau, nommé le "See-Queen", du port de
Victoria, dans l'île de Mahé des Seychelles. On pouvait, à la lunette, apercevoir
un seul homme à bord. Je me suis douté que ce bateau était en difficulté. Je me
suis rangé à son côté.
_" Grâce à une ligne, j'ai fait tout de suite descendre une
bouteille d'eau. J'ai ensuite fait monter à mon bord l'homme qui était sur le
pont de ce bateau. Je lui ai fait donner tous les soins que nécessitait son
état et je l'ai emmené jusqu'à Singapour, qui était ma destination. Là-bas, il
a été immédiatement pris en charge par le Foyer du Marin et j'ai appris qu'il
avait été embarqué sur le "Umvoti" à destination de l'île Maurice,
relativement proche des îles Seychelles et reliée à celles-ci par des lignes
régulières. Je suis heureux d'avoir pu rendre service à l'un des membres de la
communauté seychelloise.
****
_" Il est venu tout près de moi. On m'a descendu une
bouteille d'eau. Depuis combien de temps n'avais-je plus d'eau douce ?_ Elle me
rendit la vie. On me fit monter à bord du vapeur ...
_" Notre Capitaine était toujours dans le bateau ... Mort
... Pour ma part, je n'aurais pas pu résister bien longtemps encore ! ... Le
Commandant du vapeur a fait examiner mon bateau, puis il l'a fait détruire par
le feu pour qu'il ne constitue pas un danger à la navigation. À bord du
"Telemaque", tout ce que l'on pouvait faire pour moi a été fait. Très
vite, je me sentis mieux.
_" On m'a appris que j'avais été retrouvé à mille quarante
milles de Mahé. Comment suis-je arrivé jusque-là ? _ Je l'ignore complètement !
_ " Je suis arrivé à l'île Maurice, venant de Singapour,
par le navire "Umvoti". J'ai été accueilli au Foyer du Marin et j'y
ai été hébergé. Une avance de dix roupies m'a été faite, pour que je puisse
acheter quelques affaires en vue de mon voyage de retour vers les Seychelles.
Je suis revenu à Victoria par le bateau seychellois "L'Union-La Digue",
quittant Maurice le 26 juillet. Vous imaginez mon bonheur, en abordant à Mahé !
... J'avais quitté mon pays le huit janvier !
Références : Archives Nationales des Seychelles, code B 50, page
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