samedi 21 février 2015

LES PETITS CAILLOUX-8






LES PETITS CAILLOUX










LES CHEMINS DE COMPOSTELLE-1

























« ON RACONTE ENCORE, SIRE, Ô ROI BIENHEUREUX, QUE SINDBAD DE LA MER SE MIT À CONTER SON DEUXIÈME VOYAGE À SES AMIS, RÉUNIS AUTOUR DE LUI … »


                          ***


LES CHEMINS DE COMPOSTELLE



« Je serai donc demain le mort et le mystère, Moi qui suis aujourd’hui celui qui va chantant.»

Borges – Les énigmes (L’Autre, le Même.)


                LES CHEMINS DE COMPOSTELLE.
                 *************

J’avais passé la nuit dans l’une des maisons d’un village abandonné, perché sur le haut de la colline. L’église était tout aussi abandonnée. C’était un peu triste et le paysage en Aragon est sévère, bien que superbe. À Jaca, où j’étais arrivé en passant par le col du Somport, j’avais rencontré au gîte une jeune Japonaise. Elle s’appelait Yoshimi : Charmante et primesautière. Nous avions poursuivi ensemble le chemin. Pour ne pas laisser abîmer son joli teint par le soleil, elle marchait en tenant, ouvert, un parapluie rose. L’une des baleines était cassée … Mais elle marchait bien. Le seul problème pour moi, c’est qu’elle ne parlait pas un mot de français, très peu d’anglais, vraiment très, très peu, et pas beaucoup plus d’espagnol.












Comme je n’entends pas le Japonais au-delà d’un mot : « sayonara », connu de tous, mais fort peu utilisable en la circonstance, la communication était restreinte. Yoshimi trottait devant moi. Je la perdais de vue à chaque virage de l’étroit sentier qui se tortillait à flanc de colline. Il m’arriva de faire une lourde chute en glissant sur les cailloux. Que pouvait-elle faire alors que je peinais à me relever, mon sac à dos pesant dix-sept kilos ? Elle tournait autour de moi en poussant de petits cris, toujours son parapluie rose à la main ! C’est alors que je ramassai ce fameux caillou rouge, rayé de blanc.








Il est là, tout près de moi, sur le haut de mon secrétaire, posé dans une coupelle de bois, entre un petit bouddha assis dans la position du lotus et une petite grenouille de bronze.

Le petit bouddha, je l’ai acheté en Thaïlande, à Aranyaprathet très exactement, le jour où s’ouvrit la frontière cambodgienne. La grenouille vient de moins loin … J’ai toujours aimé les grenouilles, allez donc savoir pourquoi !






Mais pendant que je parle de Yoshimi, que je rencontrai sur le chemin de Compostelle, il me vient un remords : Nous avons marché ensemble pendant une huitaine de jours, je crois, peut-être un peu plus, puis … Manquait elle d’entraînement ? … En arrivant à Logrono, elle boitait bas, pieds couverts de douloureuses ampoules. Je voulus tenter de faire quelque chose pour elle, mais elle refusa d’ôter ses chaussures, de peur de ne pouvoir les remettre. Elle qui avait toujours marché devant moi, maintenant, claudiquait loin derrière. À Logrono, nous nous quittâmes. De cet abandon, je garde le remords un peu, mais c’est cela, le chemin : On se rencontre, on se rejoint, on se quitte … C’est la vie !




    Sierra del Perdon (Pampelune).                                                                                                      Photo gratuite - Merci !




Du moins, en arrivant en Galice, après avoir dépassé Portomarin, à l’aide d’un petit caillou anonyme, j’écrivis sur une grande plaque d’ardoise dressée au bord du sentier un message d’encouragement pour Yoshimi … Est-elle allée jusque là et l’a-t-elle lu? Avouerai-je que je fus un peu soulagé de n’avoir plus à chercher les clefs d’une communication pratiquement impossible ?















                          Les petits cailloux


Mais puisque je suis sur le chemin de 

Compostelle, il faut, pour ceux qui ne 

seraient pas avertis, que je dise les 

rencontres avec les cairns, dans les 

endroits les plus désolés et les plus 

arides. Un cairn, ce n’est rien d’autre 

qu’un tas de cailloux. C’est un repère, en 

principe. Il indique un croisement de 

sentiers, il signale un endroit dangereux, il 

marque un lieu particulièrement chargé de 

sens et de spiritualité. Vous l’avez aperçu 

de loin. C’est une petite pyramide. Rien 

qu’une petite pyramide de cailloux. 

Ajoutez-y le vôtre en passant. Posez le 

tout en haut, rien qu’un petit caillou, tout 

banal, sans forme particulière, sans 

couleur spéciale. Votre dépôt maintient la 

tradition et entretient le cairn. On appelle 

ces tas de pierres, aussi, des montjoies : 

Souvenez-vous du cri de guerre des 

Croisés du Moyen-Âge …



-« Montjoie Saint-Denis » !

                                        À SUIVRE -

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire