lundi 19 décembre 2011

UN TABLEAU SUR UN MUR.



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Chacun peut voir ce tableau, peint sur la façade d’une maison, dans une petite rue du Suquet, à Cannes. Il me fait beaucoup songer … Foisonnant de symboles, foisonnant d’idées … J’y retrouve Baudelaire …

Qu ‘en dirait l’artiste, que je ne connais pas et dont le mauvais cadrage de ma photo permet mal de lire la signature ?

Baudelaire ... parce que cette composition me fait songer aux paradoxes de la condition humaine, de tous les lieux et de tous les temps. Alors .. Impossible de ne pas penser au poème « Le Voyage » ( Les Fleurs du Mal ), que je viens juste de relire … Vous savez :

« Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l’ancre ! … »

Que voyons-nous ? – Un arbre, d’abord … Un arbre qui monte vers le ciel dans lequel jouent les nuages :

« Les plus riches cités, les plus grands paysages,

Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux

De ceux que le hasard fait avec les nuages.

Et toujours le désir nous rendait soucieux … »

Cet arbre monte vers le ciel, étalant ses branches. Il plonge ses racines dans la terre, mais cette terre repose sur une tige bien fragile, issue des grands fonds ? Un plongeur s’enfonce, partant à la découverte, tandis qu’un spéléologue est suspendu à des cordes frêles :

«Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,

Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,

De vastes voluptés, changeantes, inconnues,

Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom ! »

Le monde entier peut s’écrouler d’un moment à l’autre … Il s’écroulera, c’est certain … Ne serait-ce que parce que l’arbre se nourrit de la terre dans laquelle il pousse. Cette terre, qui porte les hommes, s’épuisera et les hommes avec.

« La jouissance ajoute au désir de la force.

Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d’engrais,

Cependant que grossit et durcit ton écorce,

Tes branches veulent voir le soleil de plus près !

Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace

Que le cyprès ? - … »

Cet arbre, c’est le Désir … Satanique maître de la destinée humaine. Nous apportera-t-il la sagesse ?

«Nous avons salué des idoles à trompe ;

Des trônes constellés de joyaux lumineux ;

Des palais ouvragés dont la féerique pompe

Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;

Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;

Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,

Et des jongleurs savants que le serpent caresse. »

Les jongleurs ne sont pas présents, mais les musiciens ne leur ressemblent-ils pas ? On ne voit pas le serpent qui danse, mais un singe grimpe et fait des pirouettes … C’est au son de la musique que l’on fait danser les serpents … Les hommes, eux, tentent de sauver leur âme par la musique : Tambour, saxo, guitare :

« L’humanité bavarde, ivre de son génie,

Et, folle maintenant comme elle était jadis,

Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :

«Ô mon semblable, Ô mon maître, je te maudis ! »

Certains trouveront leur salut dans le rêve, dans la fuite : Ils auront l’impression de s’élever vers le ciel, portés par un parapluie comme les amoureux de Peynet . D’autres, aiguillonnés par les amours auront l’illusion suprême :

« Le lotus parfumé ! C’est ici qu’on vendange

Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim ;

Venez vous enivrer de la douceur étrange

De cet après-midi qui n’a jamais de fin , »

Amours, fleurettes … Opium ? … On est toujours et encore, sur le bord du précipice … Jeux d’enfants, jeux sportifs, jeux … Envolées des aéroplanes … C’est toujours le désir d’illusion. Le monde, depuis qu’il est habité par les hommes et les femmes, n’a fait nul progrès, malgré ses études, ses lectures, ses rêves, ses désirs et sa science … L’homme n’a pas fait de progrès … dans le seul domaine qui vaille :

« Pour ne pas oublier la chose capitale,

Nous avons vu partout, et sans l’avoir cherché,

Du haut jusques en bas de l’échelle fatale,

Le spectacle ennuyeux de l’immortel péché :

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,

Sans rire s’adorant et s’aimant sans dégoût ;

L’homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,

Esclave de l’esclave et ruisseau dans l’égout ;


Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;

La fête qu’assaisonne et parfume le sang ;

Le poison du pouvoir énervant le despote,

Et le peuple amoureux du fouet abrutissant … »


Et, au milieu des joueurs, demeurent les assassins :


« Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !

Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,

Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :

Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! »


Que Baudelaire me pardonne … Que le peintre dont j’ignore le nom me pardonne …

N’y aurait-il point d’issue ? ...

« Plusieurs religions semblables à la nôtre,

Toutes escaladant le ciel … »


"Ô le pauvre amoureux des pays chimériques !

Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,

Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques

Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?"

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