QUÉBEC
SAMUEL CHAMPLAIN, NÉ À BROUAGE (CHARENTE MARITIME) - COLONISATEUR
DU QUÉBEC .... STATUE DE BRONZE AU COEUR DE LA VILLE DE QUÉBEC.
Mais, place au travail pour lequel je
suis venu : Il ne faut guère plus de dix minutes d’entretien avec un
professeur québécois pour s’apercevoir que, s’il est volontaire pour partir en
France pendant une année, c’est dans l’espoir de fuir la neige, la glace,
pendant ce temps-là.
- « Mon pays,
c’est la neige … », chante Gilles Vigneau. Les Québécois sont très
attachés à leur « Belle Province », mais … un hiver sans glace et sans
neige !
-
Sortant de la vieille ville de Québec
par je ne sais plus quelle porte fortifiée, je tombe sur une esplanade toute
plate : On est occupé à l’édification de sculptures monumentales … En
glace ! Chaque année, à grands coups de jets d’eau aussitôt
solidifiée, puis sculptée, on construit des chars et des palais, on dresse des
personnages et des animaux fantastiques … Qui fondront le printemps venu !
Je n’assisterai pas aux journées du
carnaval car je dois partir vers d’autres villes. J’en verrai les
prémisses : déambulations dans la neige. Un corps gît au beau milieu d’un
champ de neige vierge, c’est un homme, jambes écartées, bras aussi. Il a la
face dans la neige et … Il ronfle ! Donc il vit … On boit bien à Québec,
les jours de carnaval ! La plupart des promeneurs sont équipés d’une canne
en matière plastique, creuse … Souvent ils s’arrêtent, dévissent la poignée de
leur canne et … s’envoient dans la gorge une large goulée de
« caribou ». Le « caribou », c’est un mélange de vin rouge
et de gin, en parties égales … Le caribou fait chanter, avant de faire tituber,
puis de faire dormir … le nez dans la neige éventuellement !
Mais il ne fait que vingt-cinq degrés
centigrades sous zéro ce jour-là : Pour ma part, je supporte encore,
manteau ouvert sur mon pull marin.
Les chasse-neige font très bien leur
travail : L’autoroute est parfaitement libre, qui nous conduit à Montréal.
Nous longerons des champs de neige vierge, nous devinerons les forêts de sapins
à leurs lisières : arbres aux branches brisées sous leur charge de neige …
Des pendeloques de glace sont suspendues aux rameaux. Le givre brille sur les
feuilles.
Immenses étendues, lassantes un
peu : La neige recouvre tout, nivelle tout. Les cours d’eau sont pris dans
les glaces, elles-mêmes recouvertes de neige,les lacs le sont tout autant, les
collines semblent arasées par les accumulations de neige. L’hiver, les
campagnes québécoises sont monotones … Ah ! revenir un jour … Découvrir
les herbages et les fleurs, découvrir les eaux vives et les eaux qui
dorment ! Dans l’autobus, mais nous y sommes habitués maintenant, on a si
chaud que l’on est obligé de tomber la veste.
Montréal … Ville étrange, égrenée au
long des routes et des avenues, maisons basses, avec un ou deux étages
seulement. Escaliers extérieurs pour accéder directement au premier étage,
celui qui échappe à l’enneigement. Puis le centre ville : Une église dont
le clocher a dû naguère paraître haut, puisqu’il dépassait les toits des
maisons … Maintenant, elle se trouve encastrée en plein milieu d’un océan de
gratte-ciel qui la font paraître minuscule. Nobles bâtiments un peu
austères : On y conserve le souvenir des religieux et des religieuses qui
firent ce pays : Murs de granit, fenêtres hautes à double vitrage. Nous
logerons à l’hôtel … Dans le même hôtel que les joueurs d’une équipe de hockey
sur glace qui bambocheront toute la nuit … Comment peut-on jouer un match le
lendemain d’une semblable nuit ? Pour notre part, nous ne dormirons
guère. Cela m’aura du moins permis d’apprendre qu’il y aura le lendemain
un match à ne pas manquer : Les « Canadiens » contre
« Moscou » ! Il paraît que le match devrait être splendide et le
stade est à deux pas : J’irai découvrir le hockey sur glace au
« Forum ».
Je suis entré. J’ai dû rester debout
derrière une balustrade qui m’arrivait à la poitrine. J’ai entendu … J’ai
entendu crier, j’ai entendu chanter, j’ai entendu taper des mains, j’ai entendu
taper des pieds. Il y avait aussi des sifflements, il y avait des hurlements.
Tout en bas des gradins, au fond de l’arène, il y avait des géants bardés
d’épaulettes, protégés par des cuirasses, des matelas, des casques … Ils
étaient armés de crosses qui semblaient être de bois. Ils se battaient pour
s’emparer d’un tout petit palet, lequel glissait, courait sur la glace. Le but
des manoeuvres paraissait être de coincer l’adversaire, le plus violemment
possible, pour l’envoyer valdinguer contre la rambarde. Le choc
produisait alors autant de bruit que l’abattage d’un arbre. On comprenait
pourquoi les géants étaient cuirassés, casqués … Le public s’enflammait, se
levait, chantait, agitait des drapeaux et des bannières. De temps à autre,
l’arbitre devait estimer que le choc n’avait pas été loyal : Pour le
punir, il envoyait alors le coupable « en prison » pour quelque temps
… Le public sifflait.
L’étonnant, c’est qu’on se laisse
prendre à tout cela : J’ai moi-même crié avec le public et j’ai tapé des
pieds … Parfois, il arrivait que le palet finisse sa course au fond des buts …
Mais était-ce bien là le but de toute cette agitation ?
Les « Canadiens » ont
gagné … Allons, nous aurons encore une nuit mémorable à notre
hôtel !
Montréal, c’est aussi le parc du
Mont-Royal, deviné, puisque lui aussi nivelé par la couche de neige, mais
on y voit beaucoup d’arbres dénudés et des douzaines de petits écureuils
descendent jusqu’à vous pour quêter quelque subsistance.
Les églises sont baroques, lourdement
ornées. Où sont-ils, ces fidèles que j’imaginais nombreux dans cette
« Belle province » ? Leurs rangs se sont taris, comme le
nombre des enfants a diminué dans les familles. Il n’était pas rare autrefois
de trouver des familles avec dix ou quinze enfants, elles n’en comptent
maintenant guère plus de deux. Il est peut-être là, le danger le plus évident
pour les Canadiens français : Leur société n’est plus en expansion
démographique. On le sent bien, d’ailleurs, quand on visite des établissements
scolaires : Les effectifs diminuent, le personnel se raidit devant les
risques de fermetures de postes. J’avais cru le système scolaire canadien
beaucoup plus souple que le nôtre. En fait, la souplesse n’existe que sur le
papier. Les syndicats d’enseignants sont devenus très forts :
- « Je ne peux pas vous
recevoir, m’annonce un directeur d’école primaire : Le délégué syndical n’est
pas là … »
Ma visite avait pourtant été annoncée
par les services du Ministère.
Je traverserai toute la région du lac
Saint-Jean, dont les élèves ne vont pas à l’école depuis quarante jours, à
cause d’une grève des conducteurs d’autobus scolaires :Il n’y a donc pas
que les enseignants qui soient inquiets ! Notons que tous les autobus de
ramassage scolaire sont peints en jaune, leur apparence et la fréquence des
mouvements de grève qui les paralyse les ont fait surnommer « Le Péril
Jaune » !
Autre indice de l’évolution des mœurs
québécoises,Tout au long des avenues, le nombre de sex-shops que l’on
rencontre est incroyable ! À cette époque, me semble-t-il, il n’y en a pas
autant en France.
Diminution du nombre d’enfants dans
les familles, désertification des lieux de cultes, floraison des sex-shops …
Maria Chapdelaine, où es-tu ?
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