samedi 25 avril 2015

QUÉBEC - LA BELLE PROVINCE (2)



LA BELLE PROVINCE ... 2













   LE PORT DE QUÉBEC ET LE CHÂTEAU FRONTENAC



Le Saint-Laurent, d’abord : On le voit de partout, large, majestueux, lent, calme, puissant. Par endroits, il est complètement gelé, pris par une banquise dont certains blocs se dressent vers le ciel. Aujourd’hui, c’est justement le jour de la course traditionnelle : À l’aviron, de lourdes barques en bois luttent dans la traversée du fleuve. Si j’avais su, je serais venu plus tôt jusqu’à l’esplanade du château Frontenac : Lorsque j’y arrive, les barques sont déjà loin. Les équipages souquent sur les avirons et, lorsqu’on rencontre une banquise, la barque y est hissée, puis l’équipage la pousse, la tire, la fait glisser sur la glace. C’est une belle bataille, qui commémore les luttes autrefois quotidiennes aux pionniers … On évoque Maria Chapdelaine ou, en d’autres lieux assez semblables, les ruées du Klondike …

Il a bien neigé : deux lourds chevaux de trait tirent un traîneau de bois à capote de cuir verni. Les promeneurs qui occupent les sièges sont couverts de fourrures, leurs genoux disparaissent sous les couvertures. Leur haleine produit de petits jets de buée blanche. Celle des chevaux est puissante. Le cocher est aussi couvert qu’un ours peut l’être de sa pelisse ! Les enfants patinent à qui mieux mieux, traçant des arabesques ou maniant la crosse de hockey.

Descendre l’avenue, tout droit … On domine les toits d’ardoise du quartier Saint-Jean, le plus ancien de la ville. Il borde les quais du Saint-Laurent : Réservons sa visite pour une autre fois …






Ce coup-ci, nous approchons de la vieille ville : Le vieux Québec. Les maisons sont de granit, les remparts aussi. Granit gris : On se croirait à Saint-Malo ! Échoppes et boutiques … Comme à Saint-Malo en saison touristique : On étale, on suspend, on entasse les gadgets : Fausses étoles ou ponchos soi-disant indiens, sculptures et fausses sculptures, sur bois, sur pierre, sur corne … «Arts des Inuits du Grand Nord », colliers, bijoux, amulettes. Bref, avec les échoppes, les bistrots et les fast-food : Comme au Mont-Saint-Michel et comme partout ailleurs. Dans le ciel très bleu passe un petit biplan traînant une longue banderole :

« Le steak à son meilleur, à La Calèche ».

On songe immédiatement – « Vocabulaire français, mais structure linguistique anglaise » … Ah ! Le poids des voisinages ! Mais la pensée elle-même est-elle encore française ?












                     COURSE DE  CANOTS SUR LE SAINT LAURENT GELÉ.





Les Québécois sont les Québécois. Ils revendiquent leur culture, leur langue, et leur accent même … (« J’ai un accent, moi » ?). L’ensemble constitue leur mode d’expression propre : Celui d’un peuple américain original. « Maudits Français », dit-on encore, en pensant sans doute aux batailles de la Plaine d’Abraham et à l’abandon dans lequel la France a laissé les Canadiens de la « Nouvelle-France ».

Le Québécois a conservé, et utilise, des mots, des expressions, des locutions qui nous semblent désuets et charmants, surprenants parfois. On dit que le vin et les alcools distribués par des magasins d’état sont « dispendieux ». On jure en s’exclamant « Tabernacle » ! Mais la langue québécoise, si l’on veut bien considérer qu’elle est cousine de la nôtre, n’est en aucun cas considérée comme un Français abâtardi, ni même comme un Français « vieilli ». Ici, on parle français, pas le français de Paris, mais le français du Québec, qui est une langue aussi légitime , quant à son vocabulaire ou à ses structures que la langue actuelle du « Vieux Pays » … Cousins, oui, on le veut bien, mais ici, on n’est pas les « cousins paysans » !


On comprendra pourtant l’angoisse de ce peuple francophone entouré de tous côtés par une marée anglophone, laquelle, par le biais de puissantes influences économiques pourrait bien tout balayer si l’on devenait moins vigilant :

- «  Je vous dirai ce que je choisis sur votre carte lorsque vous voudrez bien vous adresser à moi en parlant français », disait un ami Québécois au serveur du restaurant.





Me voilà affublé depuis ce matin d’une compagnie dont je me passerais bien…
Certains en seraient honorés, peut-être ? … Madame Schliffery Inspectrice Générale de l’Éducation Nationale, Française, spécialiste des écoles maternelles, s’est jointe à notre mission avec tout son panache, sa faconde et sa verve : Elle est in-sup-portable ! Manteau de vison, toque de même … Elle s’est mis en tête de rapporter à sa fille une toque de renard argenté.  Et c’est sur moi, pauvre diable, qu’elle a jeté son dévolu pour l’accompagner dans ses recherches. Allez donc savoir pourquoi sur moi ! Nous passerons plusieurs journées à courir les magasins et boutiques pour chercher « la toque à Madame » ! Les magasins et les boutiques sont rassemblés dans d’immenses centres commerciaux … En février mille neuf cent soixante-quinze les galeries de la tour Montparnasse existent-elles déjà ? Les centres commerciaux québécois en sont l’image. : Séries de boutiques alignées dans des couloirs surchauffés : le carburant n’est pas dispendieux à Québec … On prononce par ailleurs « d’spendieux », tout comme on dira p’sine pour dire piscine : principe d’économie en linguistique … En ai-je parcouru des couloirs, à la recherche de la « toque en renard argenté pour la fille de Madame » !

-« Vous devriez aller chez le Chef Gros-Louis. »

Nous voilà partis chez le Chef Gros-Louis …

« À partir d’ici, vous pénétrez sur le territoire des Hurons ! »


Le Chef Gros-Louis est le chef des Hurons. On avait presque oublié qu’il pouvait exister des Hurons ailleurs que dans les romans de la Bibliothèque Verte et sur les écrans de cinéma … Si, si, ils existent encore, les Hurons ! Le Chef Gros-Louis tient boutique dans une baraque en bois, comme au bon vieux temps … Des Hurons ! Derrière le comptoir, il trône : L’ampleur de sa panse justifie l’attribut de son nom. Il arbore franges et plumes. Il vend les mêmes fausses fourrures et les mêmes fausses sculptures que celles qui sont en vente dans la vieille ville : Gadgets ! Mais il y a tout de même une peau d’ours blanc, très, très « d’spendieuse » car la chasse des plantigrades est interdite depuis longtemps. On trouve également des peaux de renards … Madame a trouvé  des toques en renard argenté ! Elle fait des mines et procède à des essais devant le miroir, lequel est accroché à la paroi entre deux paires de skis en bois et quelques paires de raquettes tressées. Pendant ce temps-là, moi, je prends l’air au dehors . La curiosité devrait être interdite sur le territoire des Hurons … Je suis curieux, que voulez-vous, je suis né comme ça ! Je fais le tour de la baraque en bois : Derrière, le Chef Gros-Louis cache sa Cadillac et, dans l’appentis voisin, je peux apercevoir le complet et le manteau qui remplaceront, l’heure venue, la tunique et les plumes … Désenchantement ! Je reviens dans la boutique : Madame a trouvé son bonheur !
Pendant qu’elle aligne ses dollars, le Chef Gros-Louis distribue des prospectus exposant les revendications du Peuple Huron … On croit rêver !

L’essentiel n’est-il pas que Madame Schliffery soit enfin satisfaite ? j’aurai, du reste, de la chance car elle disparaîtra le lendemain, aspirée par … « d’autres obligations ». Enfin libre !


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