mercredi 8 avril 2015

LA PROVENCE
















LA PROVENCE





Me voilà à Lorgues, inscrit au “Collège Moderne et Technique”. L’adjectif “moderne” était rassurant : on ne me demanderait plus jamais d’étudier le latin! La période qui commençait alors s’avéra très étrange, initiatrice, inoubliable. Je fus à la fois très heureux et très malheureux, et ces alternances ne sont-elles pas l’image de la vie ? Comment en débuter le récit ? Quelle chronologie, quelle logique ? J’eus des moments très forts, très sensuels, très créateurs. Ce fut un véritable, un authentique printemps ...


Dans un contexte inimaginable, incroyable, je vécus à la fois les aventures du “Petit Chose” et celles du “Grand Meaulnes”. Je vécus des ivresses à la manière de “Manon des Sources”, des rêveries à la Giono, des emballements dignes de Fabrice del Dongo. je me trouvais dans le pays des “félibres”, je piégeais les grives, comme le petit Pagnol..






                                        Les platanes





Lorgues est un gros bourg situé au-dessus de la cuvette des Arcs et de Vidauban. On y est dans la montagnette et près des pins. De là-haut, on dévale vers Le Cannet-des-Maures et le Luc où demeuraient mes parents, puis vers Saint-Raphaël ou vers Soliès. On n’est pas bien loin de Barjols où l’on fête “les Tripettes” chaque année, en dansant dans l’église. On n’est pas bien loin de Gonfaron ... Vous savez bien, la ville où la population, rangée en file indienne souffle dans le derrière de l’âne avec un chalumeau, pour le gonfler et le faire voler ! Et puis le dernier qui s’est présenté a retourné la paille pour ne pas porter à ses lèvres l’extrémité sucée par les autres ... Ah, l’hygiène, mon cher ! Fréjus est proche, et Sainte Maxime, Toulon ...



Lorgues s’organise de part et d’autres d’une avenue en pente. Cette avenue, comme il se doit, est bordée des deux côtés de grands platanes. Comme il se doit également, il y a une fontaine qui chantonne nuit et jour, et l’eau des fontaines était potable en ce temps-là. Comme il se doit, on boit le pastis et on joue aux boules. Vers midi, la petite ville est écrasée de soleil. Personne ne s’y montre, pas même aux alentours du bistrot dont le patron a fermé le rideau à demi. Il n’y a personne aux abords du petit garage où René Viéto et ses équipiers remisent leurs vélos. Tout en haut de l’avenue, derrière une grille, se dresse la bâtisse carrée du Collège “Moderne et Technique”.

_”C’était hier, n’est-ce pas ?” m’a dit la serveuse du bar ...





«SACHEZ, MES FRÈRES, QUE, DE RETOUR À BAGDAD, JE RETROUVAI MA FAMILLE, MES INTIMES ET MES CAMARADES. JE VÉCUS AU COMBLE DE LA TRANQUILLITÉ. DE LA JOIE ET DU REPOS. J’OUBLIAI MES TRIBULATIONS PASSÉES … »
  (LES CONTES DES MILLE ET UNE NUITS)
















LA BAUXITE





La bauxite, dont le nom dérive de celui du village des Baux en Provence, où elle fut découverte, est un minerai d’aluminium. Elle est rouge, rouge sang de bœuf. Nous en voyions passer, par pleins chargements d’énormes camions, tout au long des routes de Provence. C’était en 1948. Je n’ai connu de roches aussi rouges, voyageant également par pleins camions, qu’en Nouvelle-Calédonie où l’on extrait le minerai de nickel. D’ailleurs, l’exploitation des deux minerais présentait beaucoup de similitude : C’était par pans entiers que l’on abattait les flancs des collines, terrasse après terrasse. Cette exploitation, je crois, a cessé en Provence où les gisements ont été épuisés.















Au lycée Lamoricière, à Oran, J'avais commencé à étudier le Latin ... avec autant de succès que dans mes études de solfège, ce n’est pas peu dire! Du reste cette étude de langue morte me rappelait un peu l'étude de la musique telle qu'on la conduisait dans ce temps-là : "rosa, rosa ..." C’est tout juste si le chef d’orchestre ne faisait pas danser la baguette !
J'eus tellement de succès que l'on me conseilla vite d'abandonner. Il faut dire aussi que l'haleine de mon professeur sentait plus souvent le vin que la rose ! Par contre, je continuai à étudier l'Anglais : J'aurais été bien incapable d'enfiler des mots dans le bon sens pour aller acheter une boîte d'allumettes à l'épicerie du coin ! Mais je connaissais des mots : On nous faisait apprendre des listes de mots … Ils se déposaient par couches dans ma mémoire latente. Je fus tout étonné de les voir ressurgir lorsque j'en eus vraiment besoin ... quarante ans plus tard ! Pour l'heure, il me souvient que j'étais censé traduire Peter Pan et « The Tempest », de Shakespeare.

Arrivé en Provence, c'est l'Italien que je fus obligé d'aborder comme deuxième langue, proximité de l'Italie oblige. J'aimais bien l'Italien, très musical, mais cet enseignement était encore une autre rupture pour moi car les Bons Frères vendéens m'avaient initié ... à l'Espagnol … J'avais également aimé l'Espagnol et ses sonorités viriles. Plus tard, en un autre collège encore, je ne trouvai ni professeur d'Italien, ni professeur d'Espagnol. On me proposa l'Allemand ... que je refusai : Cela allait bien comme ça !



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