samedi 26 janvier 2019

VU D'EN HAUT ...





VU D'EN HAUT











                 _" Le Commandant Dulac et son équipage sont

 heureux de vous accueillir à bord de ce vol qui nous

permettra d'atteindre Santiago du Chili en 10 heures. Nous

 vous prions de ne pas fumer pendant le décollage et

d'attacher vos ceintures."



 




                      Presque banal, maintenant, le voyage sur un

avion de ligne. On part pour Bangkok, pour San Francisco,

 Pékin ou Abidjan, Zanzibar ou Tokyo. Julien Viaud, dit

Pierre Loti ne fait plus rêver, avec ses amours de

Constantinople, ses histoires de geishas, ses expéditions

vers les temples d'Angkor. On voyage en Boeing 747, avec

son mari, ses enfants, son maillot de bain dans le sac de

sport que l'on a rangé dans un casier ad hoc, à porte

basculante, dominant les sièges et les hublots. L'air que l'on

 respire est filtré, pressurisé, aseptisé. Les moquettes du

couloir et les moulures en plastique beige velouté qui

ornent les parois sont apaisantes et douces. L'hôtesse a la

 voix flûtée en toutes occasions. Les moteurs chuintent avec

 régularité, un peu comme si l'on se trouvait assis dans le

T.G.V. On finit par ne plus les entendre. On boit : On boit

de la bière, du vin, du whisky, sur des glaçons. On lit, ou

plutôt on parcourt les pages des revues, garnies de

photographies. On dort, ou bien, les écrans déroulés, on

 regarde les images d'un film au scénario plus ou moins

sirupeux. Des buses réglables vous projettent un courant

 d'air frais. Vous les orientez comme il vous plaît. Les

impatiences des petits sont calmées par des cahiers de

 coloriage.













                      _" Sur votre gauche, vous pouvez apercevoir les glaces du Labrador."











                       On incline le buste un peu, détachant pour

 cela, au besoin, la ceinture. On regarde par la vitre du

hublot. Elle est là, la banquise, immense et toute petite à la

 fois, rayée, bouleversée par endroits, étincelante ... On a

des souvenirs de Jules Verne, on a entendu parler des

 esquimaux et d'Amundsen, du Commandant Charcot peut-

être, plus sûrement de Paul Émile Victor. C'est fascinant, la

 banquise !











                      C'est merveilleux, un voyage en avion. Allant

vers Brazzaville, j'ai vu les dunes du Sahara, courant les

 unes après les autres, toutes semblables les unes aux

 autres et pourtant si différentes ... Le visage de Charles de

 Foucault, barbiche au menton, coeur sacré sur la soutane

 blanche ... Les méharées de Bournazel, le miel, la myrrhe

 et l'encens, la caravane des Rois Mages, l'or de la Reine de

Saba marchant à la rencontre de Salomon ... Le Sahara,

 c'est une merveille ! ... Mais on l'a trop vu à la télévision, à

l'occasion des rallyes automobiles se dirigeant vers Dakar.












                      Entre Sydney et Perth, j'ai survolé le désert

d'Australie : Le Sahara est jaunâtre, le désert d'Australie

 est rouge, réellement rouge, et parfois rouge sang. Il

semble sans bornes, océan cramoisi entre deux océans

 monotones à force de bleus.











                     Était-ce aux alentours de Java ? ... Un volcan

surgissait de la mer, un cône parfait, et dont le sommet

fumait. Inhabitable ... Et d'abord, comment pourrait-on en

escalader les pentes ? Superbe !










                     _" Sur la droite de l'appareil, vous pouvez

apercevoir les premiers contreforts de la chaîne de

l'Himalaya.

À gauche, sous l'appareil, les bouches du Gange…

 ..."











                      La chaîne de l'Himalaya ! Sommets étincelants

 dans la lumière ... Le sherpa Tensing et Sir Edmund

 Hilary, le "Premier 8000" ... Les yacks et le Yéti ... Le " Toit

 du Monde " ! ... Sous le ventre du Boeing, le delta du

Gange s'étale comme une feuille dont le limbe aurait

 disparu : Il ne resterait que les nervures. Dans le tiroir de

 mon bureau, très loin en Europe, je garde une feuille de

 banian. Elle m'a été donnée il y a très longtemps, fixée sur

une carte comme on en offre pour présenter ses voeux. On

n'en a conservé que le réseau de nervures. Le delta du

 Gange est un bijou, un médaillon de filigranes finement

ciselés.











                     Les falaises de Victoria des Seychelles, de granit

 micacé cranté, les atolls des Tuamotu, semblables à des

 anneaux d'oreilles, les archipels sous le vent, vertes

pelouses prises dans des lacis de courants d'opale, dans des

 corbeilles de corail versicolores. Le ruban boueux du

Mékong. Les sommets, les plateaux et les vallées de la

Cordillère des Andes, entre l'Argentine et le Chili, vastes

étendues de neiges immaculées ... A l'approche de Puerto

 Montt, les couches de nuages éblouissants et … émergeant

des nuages qu'ils percent, les sommets des volcans, le

volcan Osorno et ses frères, fumerolles ...

Ah! L'arrivée, de nuit, au-dessus de la ville de New-York :

Les avenues éclairées, comme des quais et des jetées dans

un océan de ténèbres, les guirlandes d'un paquebot qui va,

 s'éloignant, les fleuves de rubis et de diamants allumés par

les phares des véhicules sur les routes ! ... Arrivée nocturne

 à Dubaï : Étendues noire des déserts, hautes flammes des

torchères, sur les derricks des exploitations pétrolières ...

Le tapis d'Ispahan !
















                     _" Nous approchons de notre destination.

L'appareil va bientôt commencer à entamer sa descente.

Le Commandant Dulac et sont équipage espèrent que vous

 avez fait un agréable voyage. Ils vous prient d'éteindre

 votre cigarette, de relever le dossier de votre fauteuil et

d'attacher votre ceinture. Ils espèrent vous revoir bientôt

 sur les lignes desservies par notre compagnie ..."








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